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EXCURSION DANS L’OYAPOCK.

conçoive pas clairement quels ils pouvaient être : mais il n’en résultait pas moins que l’Indien, qui a besoin d’être dirigé comme un grand enfant, était moins exposé à contracter les vices de la civilisation, comme il le fait aujourd’hui.

Du premier rang qu’il occupait vers le milieu du dernier siècle, le quartier de l’Oyapock est tombé aujourd’hui au dernier de ceux de la colonie. Ses produits sont presque nuls, si ce n’est en bois de construction, et deux ou trois goëlettes suffisent aux relations de ses habitans avec ceux de la colonie. Elles emportent de l’Oyapock des planches, des madriers, du couac et d’autres bagatelles. Chaque habitant fait venir directement, par l’entremise de son correspondant de la ville, les objets dont il a besoin, et les plus aisés demandent un peu au-delà de ce qu’il leur est nécessaire pour céder le surplus à leurs voisins, de sorte qu’il n’y a dans le quartier aucun individu qui exerce la profession de marchand. L’argent y étant très rare, ce n’est qu’un commerce d’échange des plus bornés. Les goëlettes qui font cette navigation ne portent pas au-delà de trente tonneaux, et, malgré ce faible jaugeage, elles ont de grandes précautions à prendre pour ne pas toucher sur les roches dont le lit de la rivière est embarrassé de toutes parts. On les construit dans l’Oyapock même, ses bords étant riches en bois de toute espèce, parmi lesquels il s’en trouve d’excellens pour la marine.

J’ai donné dans mon récit une idée des mœurs indiennes au fur et à mesure que l’occasion s’en est présentée. Il me reste peu de chose à dire sur ce sujet épuisé depuis long-temps. Les temps sont passés, d’ailleurs, où l’on pouvait étudier le caractère indien dans sa pureté primitive et sa sauvage indépendance. La plupart de leurs peuplades sont éteintes aujourd’hui sans retour, ou leurs descendans, réduits à rien, flétris par le contact de la civilisation, et ne formant plus de tribus bien circonscrites, n’ont reçu de leurs pères pour héritage que le nom de nation qu’ils portent. Ce n’est donc pas sur les bords de la mer où la présence des Européens est ancienne, qu’il faut chercher à les connaître, mais bien dans le fond des forêts, sur les bords de ces rivières où les blancs n’ont jamais pénétré, et encore cette étude ne vaudrait peut-être pas les peines qu’elle coûterait. Quoiqu’on ne puisse pas prédire d’une manière certaine l’époque à laquelle les Indiens disparaîtront du