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SOUVENIRS SUR JOSEPH NAPOLÉON.

saient quelquefois le soir, ainsi que les personnes de leur suite, dans la maison de mon père.

Joseph m’avait pris en affection. Il m’en donnait souvent des témoignages sensibles pour un enfant, par de petits cadeaux de dragées et de ces confitures, si exquises en Lorraine. Je l’aimais beaucoup à cause de ses caresses et surtout à cause de ses bonbons. J’en étais si reconnaissant, que plusieurs années après, ma bonne mère me parlant des chagrins et des joies que lui avait causés mon enfance, et me rappelant quelques détails de nos soirées de Lunéville, fut très étonnée du frais souvenir que je gardais encore des bontés de Joseph Bonaparte.[1]

Ce fut au congrès de Lunéville que mon père vit pour la première fois celui qu’il devait suivre plus tard à Naples et à Madrid ; ce fut à Lunéville que commença entre Joseph Napoléon et lui cette liaison, que l’ancien roi d’Espagne, dans ses lettres, appelle encore aujourd’hui de l’amitié, amitié bien réelle et bien éprouvée, puisqu’elle a résisté à ces deux grandes choses qui, d’ordinaire, n’ont pas d’amis, le trône et l’exil.

Peu de temps après l’élévation de Joseph au trône de Naples, mon père passa à son service. Il y devint colonel de cette belle légion corse qui se distingua d’une manière si remarquable tant au siège de Gaëte que dans la poursuite et la destruction de la bande de Fra-Diavolo. Il était en outre un des maréchaux du palais. J’ai souvenir d’avoir été conduit par lui à Naples, pour remercier le roi d’une place qu’il m’avait accordée parmi ses pages. Je n’ai jamais oublié le sourire bienveillant et le regard affectueux avec lesquels Joseph accueillit l’enfant qu’il avait connu à Lunéville.

Cependant j’étais encore trop jeune pour pouvoir profiter de la

  1. Les intérêts de la république furent défendus avec beaucoup d’habileté par Joseph Bonaparte : une suspension d’armes, conclue en Italie par les généraux en chef, avait laissé Mantoue au pouvoir des Autrichiens, et une convention, signée à Lunéville par les plénipotentiaires, mit l’armée française en possession de cette place importante.

    C’est au sujet de cet incident remarquable des négociations que Moreau, général en chef de l’armée du Rhin, écrivit à Joseph : «  Citoyen ministre, recevez mon compliment pour la manière dont vous avez assiégé et pris Mantoue, sans quitter Lunéville. »