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térature tentait d’associer aux souvenirs altérés de la civilisation antique les sentimens incomplets de la société nouvelle, l’Orient, qui avait eu aussi ses révolutions, et que Mahomet avait renouvelé ; l’Orient, ce vieux monde, berceau du nôtre, continuait de rouler dans son lointain orbite, avec ses traditions, ses apologues, ses contes sans nombre, et toutes les éblouissantes merveilles de son ciel et de sa poésie. Le temps venu où il devait donner la main à l’Occident, la littérature française, jeune encore et naïve, avide d’émotions, curieuse de récits, s’avança au-devant de lui, et le rencontra par plus d’un endroit : le génie arabe atteignit la Provence à travers l’Espagne. Les Juifs, qui étaient entre les peuples les courtiers des idées aussi bien que des richesses, importèrent dans le midi de la France, avec l’étude de la médecine, une foule de notions orientales ; vinrent les croisades, où les Français parurent aux premiers rangs, car ce n’est pas sans motif que le nom de Franc fut donné à tous ces guerriers aventureux qui allaient combattre pour la cause de la civilisation, en croyant ne suivre que l’étendard de la foi. Le but des hommes dans ces guerres leur échappa ; il fallut abandonner aux infidèles le saint tombeau, et Jérusalem fut perdue. Mais Dieu n’avait pas en vain rapproché l’Europe et l’Asie dans les longues étreintes de cette lutte de deux siècles. Je parlerai seulement de notre poésie, que semble alors illuminer un rayon du soleil d’Orient. Souvenons-nous aussi, messieurs, que nos croisés s’étaient laissé distraire, en passant, par la fantaisie de s’asseoir tout éperonnés sur le trône impérial de Constantinople. Vous savez en quelle admiration les jeta la rencontre qu’ils firent, aux extrémités de l’Europe, d’une ville si supérieure à tout ce qu’ils connaissaient par les restes de ses arts et la majesté de ses monumens. Constantinople était alors comme la porte magnifique de l’Orient. Par là durent encore nous être apportés de nombreux alimens pour notre poésie. — Mais avant ces pélerins armés, empereurs de Bysance, ducs d’Athènes, princes d’Antioche ou de Galilée, d’autres plus obscurs et aussi hardis, cheminant dans l’ombre, se glissant à travers les obstacles et les périls d’un monde presque inconnu, avaient traversé la Syrie et salué la Palestine. Une foule de Français entreprirent ces pieux voyages et les racontèrent au retour dans leurs itinéraires ; nom qu’on ne peut