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REVUE. — CHRONIQUE.

Sur mon honneur, je suis en ce point tout-à-fait de l’avis de la préface, et si me trouvant là, j’eusse été saisi d’une pareille fantaisie de divination, il m’eût semblé bien dur d’avoir pris, par exemple, M. de Balzac ou M. Michel Raymond pour M. Mérimée.

Mais écoutons encore la préface.

Comme la soirée avançait, nos conteurs sortirent de leur nature d’hommes du monde et rentrèrent dans leur nature de réserve ; puis ils osèrent, chacun à l’envi, des bons mots, de vives saillies et des récits piquans dont l’imagination brodait les ornemens ; après quoi la pléiade des conteurs, prenant en considération et en pitié les besoins du siècle, et voulant pourvoir à l’énorme consommation qu’il fait aujourd’hui de contes de toute sorte, résolut et décida, séance tenante, à l’unanimité, que chacun des conteurs de la pléiade étant dans l’impossibilité de se présenter tous les mois au siècle avec un volume à la main, ladite pléiade formerait une ligue, une sainte alliance de conteurs, lesquels conteurs seraient les seuls fournisseurs brevetés de l’époque, et lui fabriqueraient en commun des contes autant qu’elle en pourrait consommer et au-delà.

Ainsi, voilà qui est bien entendu. La pléiade des conteurs a monopolisé le conte. La pléiade a mis le conte en régie comme le tabac. Grâce à la pléiade, nous aurons, selon que nous en userons, des contes à prix fixe, des contes de la première qualité, sans mélange et sans falsification. À la bonne heure.

La première émission de contes que vient de faire la pléiade ne dément pas trop au surplus les magnifiques promesses de son prospectus. Que ses futurs volumes donnent surtout aux consommateurs beaucoup de récits aussi spirituels et aussi amusans que la Demoiselle de compagnie, par M. Ancelot, et Daja, par M. Eugène Sue ; le siècle ne se plaindra pas, j’imagine, et sera fort satisfait.

Quant aux Contes vrais, c’est madame Jenny Bastide qui en assume seule sur sa tête la responsabilité. N’y a-t-il pas là de sa part un peu de témérité ? Disons-le. Ce n’est pas précisément la vérité qui manque à ces contes vrais. Ce n’est pas l’intérêt non plus ; mais c’est le style souvent, et la couleur toujours.

Ainsi le Siège de Burgos ne nous montre guère assurément la vieille ville espagnole, cette ville de couvens et d’églises avec son grave et rude caractère, avec son aspect tout monastique et sacerdotal. Et puis, ce qui est un plus grand tort, comment après le Stello de M. Alfred de Vigny, madame Jenny a-t-elle pu se décider à nous conter la prison et l’échafaud d’André Chénier ?