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rique et littéraire comme renfermant les détails les plus précieux sur les mœurs et la littérature de la Grande-Bretagne, et notamment, ont-ils soin d’ajouter, sur sir W. Scott. Ceci ne ressemble pas mal à un traité de géographie qui promettrait la description de l’Europe et notamment de la France. Quelques pages, attribuées à l’auteur d’Ivanhoë et traduites par une plume anonyme, renvoient au voyage historique pour Maturin. J’ouvre le livre, j’y trouve deux pages très lestes où le voyageur veut bien croire que sans le talent de Kean, le public de Londres n’aurait pas été assez fou pour applaudir Bertram. De ses romans il n’est pas dit un mot. Maturin est proposé au pinceau des peintres comme le type de la frénésie ; il faut le représenter l’écume à la bouche. Dans sa verve de bon goût, M. Amédée Pichot va jusqu’à dire qu’il éprouve, à la lecture de Maturin, le même et pénible sentiment qu’en présence d’un mendiant qui se donne une attaque d’épilepsie pour obtenir une misérable aumône. Je transcris littéralement. — Conclusion : « Si Maturin n’eût été le plus extravagant des auteurs, il serait le plus grand génie de la littérature anglaise. » — Accorde qui pourra ces deux propositions. J’aimerais autant dire : La Norwége serait aussi chaude que le Congo, si elle n’était située un peu plus au nord.

Mais comment expliquer le silence du critique sur les mutilations que Maturin a subies ? Le voyage est cité comme un chef d’œuvre d’érudition et de sagacité dans les mêmes volumes où le poète anglais se débat entre deux adversaires également terribles, l’ignorance et la hâte. Est-ce que par hasard le traducteur et le critique ne seraient qu’une seule et même personne ? Nous livrons ces conjectures à la pénétration des hommes sérieux.

Il est temps de commencer une réaction vigoureuse contre le torrent de la bibliopée. Puisque la littérature se réduit à la librairie et veut rivaliser avec les machines de Watt, il faut en décrire le mécanisme pour rendre la partie égale.

Au train que suivent les choses, la réhabilitation de Maturin, ne saurait tarder long-temps. Les mille voix de la presse auront bientôt mis à nu les injustices et les ignorances, et les hommes vraiment littéraires accorderont à l’auteur de Melmoth l’estime et l’admiration qu’il n’a pas même obtenues dans sa patrie.

Mais, comme une admiration solide et durable ne repose que