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DU VANDALISME EN FRANCE.

Florence ; que l’on compare ces deux moitiés de la métropole de l’art italien, et nous défions les courtisans les plus aveugles de ne pas déplorer, esthétiquement au moins, la révolution qui jeta Florence sous les pieds de la souveraineté absolue., Michel-Ange le sentait bien, car, lorsqu’en 1527 Florence expulsa les Médicis et proclama qu’elle n’avait d’autre roi que Jésus-Christ, il laissa là les tombeaux qu’il élevait pour les ancêtres de ces Médicis à S. Lorenzo, entreprit de fortifier toute l’enceinte de la ville, prêta mille écus à la république, se fit nommer un des neuf commissaires des affaires militaires, revint ensuite de Venise, au plus fort du siège, pour diriger la défense, et ne cessa de combattre qu’au dernier moment contre ces protecteurs de l’art. Croyons avec lui que le pouvoir, à toutes les époques, possède l’incontestable faculté de dégrader et de dépopulariser l’art ; mais de le ranimer, mais de l’inspirer, jamais.

Pardon, mon ami, de cette digression. Je passe à ma seconde catégorie de vandales.

2o. Les autorités municipales.

Je n’ai certes rien à vous offrir dans cette catégorie de comparable à votre histoire de la délibération du conseil municipal de Laon sur la tour de Louis d’Outremer ; mais je me flatte, ou plutôt je rougis d’avoir à consigner quelques traits qui vous montreront que ces messieurs ont des émules dignes d’eux sur tous les points du pays. Voici, par exemple, MM. du conseil municipal de Poitiers qui ont ingénieusement fait détruire les antiques et célèbres remparts de leur ville, qui lui donnait un aspect si original et si attrayant, pour les remplacer par un petit mur à hauteur d’homme, dans le genre de celui qui entoure Paris, accompagné de grilles en fer qui servent de portes et de barrières à l’octroi. À Villeneuve d’Agen, c’est encore mieux que cela : aux portes de cette ville, sur une hauteur qui domine le cours du Lot, s’élevait le château de Pujols qui était un des monumens les plus vastes et les plus magnifiques du moyen âge dans ces contrées ; ce château, quoique pillé et dévasté à l’intérieur, et malgré sa position exposée, avait survécu à la révolution et était devenu la propriété de la ville. Il y a quatre ans, le conseil municipal l’a fait détruire, et voici comment. On avait conçu le projet d’agrandir la prison d’Eysse, voisine de la ville. Les matériaux manquaient : un entrepreneur se présente et propose d’acheter et de démolir le vieux château pour en consacrer les pierres à ce nouvel usage. Le conseil trouve l’offre intelligente et avantageuse, mais des débats s’élèvent sur le prix. Le conseil, voulant faire une bonne affaire en même temps qu’une œuvre d’art, de-