Page:Revue des Deux Mondes - 1833 - tome 1.djvu/50

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
44
REVUE DES DEUX MONDES.

plus châtié ; mais la composition tout entière manque d’ordonnance et de logique.

Les Albigeois renferment de belles parties ; mais il n’est permis qu’aux prospectus de librairie de comparer cette excursion dans le genre historique à l’épopée si dramatique et si vive d’Old Mortality. Simon de Montfort est loin d’égaler en énergie la grande figure de Balfour.

De ces quatre livres il n’y en a pas un seul qui pût sortir d’une plume médiocre. Mais, si Maturin n’eût pas écrit autre chose dans sa vie, son nom ne devrait pas espérer de vaincre l’oubli. Ce qui manque à ces romans, c’est la forme, c’est-à-dire l’enveloppe conservatrice. Les plus beaux élans de poésie, les plus riches images, ne suffisent pas à la durée d’une œuvre. Ces qualités ne se laissent apercevoir qu’au petit nombre d’esprits curieux qui se plaisent aux études difficiles, et qui se réjouissent de la découverte d’un talent ignoré comme de la rencontre d’un filon inattendu.

Mais ces titres ne défraieraient pas la persévérance du nouvel Addisson, qui tenterait, dans un demi-siècle, de remettre en lumière et en honneur ce nouveau Milton, méconnu de ses contemporains comme son illustre aïeul.

Les Femmes, où se révèle une grâce exquise qu’on ne soupçonnait pas dans l’auteur de Montorio, où la figure angélique d’Eva se détache avec la pure suavité des meilleures toiles de Metzu, est un poème plus réel et plus riche d’observations sociales que les autres ouvrages de Maturin. La critique anglaise a proclamé, avec une louable impartialité, la ressemblance de Zaïre avec la Corinne de madame de Staël. Il est très vrai, comme l’a remarqué l’auteur de Rob-Roy, que cette Sapho irlandaise ne s’inspire pas aux mêmes paysages et aux mêmes passions que l’improvisatrice italienne. À parler le langage de l’enseignement universitaire, il y a plus de sagesse et de sobriété dans les Femmes que dans les autres inventions de Maturin. C’est aussi celui de ses livres qui a obtenu le succès le plus unanime.

Après cette énumération sévère des travaux de Maturin, nous sommes loin, à ce qu’il semble, de pouvoir compter sur la gloire de son nom, comme Homère et Tasso comptaient sur la prise de Troie et de Jérusalem, après le dénombrement de la flotte grecque