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même que les sculptures du dessous des sièges, qui représentent des scènes populaires et souvent burlesques, entremêlées à des traits de l’Écriture sainte : ainsi une querelle d’ivrognes, un homme qui fait cuire des poissons sur un gril, à côté de Samson armé de sa mâchoire ; tout ce beau et curieux travail a été surchargé tout récemment d’une peinture en rouge garance. On a heureusement épargné de toute matière le monument le plus précieux de cette église : le tableau du maître-autel, formé de huit bas-reliefs en marbre, réunis en un seul cadre, traités avec la plus grande finesse, et représentant l’intéressante légende de saint-Seurin ou Séverin, évêque de Bordeaux au cinquième siècle. Il y a au-dessous du chœur une chapelle souterraine qui renfermait les reliques de saint Fort, qui a toujours été l’objet d’une immense vénération, et où chaque année les mères et les nourrices viennent faire dire la messe sur la tête de leurs nourrissons, pour attirer sur eux la protection du saint : cette chapelle à trois nefs en plein cintre est curieuse, mais elle a été cruellement dégradée ; d’abord elle a été badigeonnée en dépit du sens commun, puis on lui a volé pièce par pièce un pavé en mosaïque, dont il ne reste que quelques pierres. On y voit encore le tombeau du saint, ouvrage très soigné de la renaissance.

L’extérieur de Saint-Seurin est en général très irrégulier, mais n’en est pas moins très remarquable. La chapelle de la Sainte-Vierge, à droite du chœur, est beaucoup plus moderne que la nef. Dans un angle de la sacristie, qui est aussi du quinzième siècle, il y a une charmante statue de sainte. Le clocher quadrilatère à double rangée d’arceaux en plein cintre, est d’une grande beauté. L’ordre supérieur rappelle quelques-unes des plus célèbres églises du moyen âge en Italie. Au milieu de la façade latérale du midi se trouve un porche de la renaissance, assez élégant, qui couvre et protège un triple portail du plus haut intérêt, dont les trois portes sont entourées par une série de sculptures, datées de 1267 et travaillées avec un soin infini, représentant la Vigne du Seigneur et le Jugement dernier, sujet très fréquent dans les belles églises gothiques de ces contrées. Ce triple portail est flanqué par les statues des douze apôtres et de deux personnages couronnés, en pied et de grandeur naturelle, malheureusement endommagées, mais produisant encore un excellent effet. La façade occidentale, qui devait servir d’entrée principale n’a point été achevée du temps de la construction primitive de l’église. Il n’y a qu’un vestibule très curieux, et qui remonte évidemment aux premiers temps de la fondation, au neuvième ou au dixième siècle, formé de trois voûtes basses, se prolongeant l’une après l’autre, séparées et soutenues par trois arceaux cintrés dont les chapiteaux sont couverts de sculptures très bizarres et du genre le plus élémentaire. Je n’ai pu distinguer qu’un seul sujet connu, le Sacrifice d’Abra-