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l’église d’Ainay, qui date des premiers siècles du christianisme, dans sa forme originale, et réparé celle de Saint-Nizier, la plus belle de Lyon, avec une parfaite intelligence de son caractère. Dans la cathédrale de Metz, il y a quelques essais de gothique moderne, mais bien malheureux. Ce qui surpasse, à mon gré, toutes les entreprises de ce genre, ce sont les restaurations vraiment surprenantes des sculptures de la cathédrale de Strasbourg, exécutées par MM. Kirstem et Haumack, avec une exactitude si parfaite, un sentiment de l’antique si profond et si pieux, qu’il est presque impossible de les distinguer des originaux que la hache du terrorisme a épargnés, et qui comptent à juste titre, surtout le groupe de la mort de la Vierge au portail oriental, parmi les chefs-d’œuvre de la statuaire chrétienne. Dans une sphère plus restreinte, vous connaissez les charmantes œuvres de M. de Triquéti et de mademoiselle de Fauveau. Je n’ai pas besoin non plus de vous rappeler les tentatives hardies et en même temps si véridiques de M. Delacroix.

Un jour peut-être surgira-t-il au sein de nos chambres un législateur assez éclairé, assez patriotique, pour demander des dispositions spéciales en faveur des monumens nationaux, comme on en demande chaque jour en faveur de l’industrie et du commerce. La loi sur l’expropriation offrait pour cela une excellente occasion : mais l’une des deux chambres l’a déjà laissé échapper, et l’autre n’en profitera certainement pas.

Il se peut du reste que nous voyions bientôt s’organiser à Paris une association centrale pour la défense de nos monumens historiques, association qui offrira un point de ralliement à tous les efforts individuels, un foyer d’unité pour toutes les recherches et toutes les dénonciations, qui sont en ce moment nos seules armes contre les dévastations des administrations et des propriétaires. Complètement indépendans du pouvoir, nous espérons peu à peu venir à bout d’engager tout ce qui est jeune, intelligent et patriotique dans une sorte de croisade contre le honteux servage du vandalisme, et purifier, par la force de la réprobation publique, notre sol antique de cette souillure trop long-temps endurée.

Toutefois je ne vous dissimule pas l’intime conviction où je suis, que cette réaction n’aura jamais rien de général, rien de puissant, rien de populaire, tant que le clergé n’y aura pas été associé, tant qu’il n’aura pas été persuadé qu’il y a pour lui un devoir et un intérêt à ce que les sanctuaires de la religion conservent ou recouvrent leur caractère primitif et chrétien. Le clergé seul, comme je l’ai dit plus haut, peut exercer une influence positive sur le sort des monumens ecclésiastiques qui sont incontestablement les plus nombreux et les plus précieux de tous ceux que nous a légués le moyen âge. Lui seul peut donner quelque ensemble à des tentatives de restauration, et à