Page:Revue des Deux Mondes - 1833 - tome 1.djvu/541

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
535
VOYAGE SUR LE MISSISSIPI.

ses à l’ours, à la panthère, aux bisons, et nous promettaient de nous faire tuer tout à notre aise de ces derniers, si nous voulions les suivre à cinq cents milles dans l’intérieur.

Nous nous rembarquâmes avec six de leurs chefs, dont un Delaware et deux Chipewas, qui se rendaient à Saint-Louis, pour y recevoir le prix des terres qu’ils venaient de vendre aux États-Unis. Nous eûmes aussi, comme nouveau passager, un vieux commerçant de pelleteries français, dont j’écoutai avec beaucoup d’intérêt les récits de voyages à la rivière Columbia, en Californie, et autres pays où l’avait conduit son industrie. Ces voyages se font maintenant avec moins de difficulté qu’autrefois, car on va jusqu’aux montagnes Rocheuses en waggon ou char-à-bancs à quatre chevaux, en remontant le long du Missouri. Il est vrai que cela demande du temps. On vit du gibier qu’on tue ; le bison forme la principale nourriture du voyageur ; la bosse de cet animal est un mets exquis dont on ne se lasse jamais. Les compagnies qui vont chasser les castors en Californie partent également dans de grands waggons du fort Osage sur le Missouri. On s’arrête à trois ou quatre heures de l’après-midi, et pendant qu’une partie des voyageurs prépare le gibier tué la veille, ou répare les voitures et les harnachemens, l’autre se répand dans les prairies à la chasse des bisons, des cerfs, daims, chevreuils, chèvres sauvages, perdrix ou gelinottes. Les chevaux paissent paisiblement aux environs du camp, et le lendemain matin on les siffle pour le départ : ils sont fort dociles à ce signal.

Le 4 juin au matin, j’arrivai à Saint-Louis. C’est une jolie ville de huit à neuf mille âmes, fondée en 1664 par les Français, et qui a environ de mille à onze cents maisons. Elle est située sur la rive ouest du Mississipi, sur une légère éminence qui la met à l’abri des inondations du fleuve. La moitié des maisons est bâtie en briques, et le reste en bois. Celles des Français n’ont généralement qu’un étage, et sont entourées d’une galerie couverte. De l’autre côté du Mississipi qu’on traverse dans un teamboat[1], la vue de Saint-Louis est charmante. Ses maisons roses et blanches se prolongent pendant deux milles le long du fleuve et, dans toute cette étendue, le rivage est garni de bâtimens à vapeur et de ba-

  1. Teamboat, bac tiré par des chevaux.