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SALON DE 1833.

et Teniers ont trouvé moyen d’allier la finesse à la naïveté. M. C. de Laberge n’évite pas toujours la dureté.

Je ne sais pas encore quel tableau Decamps nous enverra d’Italie. J’ai vu plusieurs toiles commencées, entre autres une ruine grecque, délicieuse de pâte, de couleur, de lumière incandescente. De toutes ses esquisses, je n’en sais pas une qui ne pût entre ses mains devenir une composition excellente. Mais je souhaiterais surtout qu’il envoyât au Louvre quelques-uns de ses pastels ; car personne aujourd’hui n’approche de sa prodigieuse habileté dans ce genre. Depuis les admirables portraits de madame de Latour que nous reverrons cette année, la France n’a rien eu d’aussi léger, d’aussi éclatant.

M. Godefroy Jadin, qui s’est fait, dans la peinture de la nature morte, une réputation méritée, et qui au dernier salon nous avait donné un paysage d’une grande vérité, mais un peu froid, a fait de grands progrès. Sa partie de chasse est un bon morceau. C’est une composition très simple, mais pleine d’animation et de naturel. Le ton des arbres est haut et nourri. Il n’y manque peut-être qu’un peu d’air qui joue librement dans les branches.

Granet, talent sans modèle et sans rival parmi nous, que Stanfield et Prout avouent pour leur frère, envoie un tableau très supérieur à sa Justice de Paix qui était un chef-d’œuvre. Heureux peintre qui ne connaît pas l’envie, qui la désarme par l’exquise harmonie de ses inventions !

La sculpture cette année sera plus heureuse qu’au salon dernier. Les deux maîtres les plus habiles que nous ayons aujourd’hui, David et Pradier, se trouveront ensemble. Une figure couchée, destinée au tombeau de Marcos Botzaris, révèle dans le premier une grâce et une souplesse qu’on ne lui connaissait pas. Les bustes admirables de Bentham et de Châteaubriand ne laissaient aucun doute sur sa puissance de modelé ; mais on pouvait ne pas deviner son aptitude pour un art presque oublié depuis la Diane de Jean Goujon. Sa jeune Grecque sera pour nous un beau sujet d’études. — Nous croyons devoir l’inviter publiquement à envoyer au Louvre ses statues de Corneille, de Jefferson et du maréchal Gouvion de Saint-Cyr, et les bustes nombreux de ses ateliers : Paganini, Boulay de la Meurthe, George Cuvier, etc. — Le Cyparisse de Pradier