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serré de cornes menaçantes ; les seconds, leur croupe et leurs pieds de derrière qui ne sont pas moins redoutables. On rencontre quelquefois dans la campagne des jaguars morts, qui ont succombé dans ces combats en s’obstinant trop à l’attaque.

La température des pampas étant très modérée pendant l’hiver, et ne descendant que rarement au-dessous du point de congélation, les troupeaux y vivent en plein air pendant toute l’année. Ils souffrent néanmoins du froid et de l’humidité qui règnent dans les mois de juin, juillet et août, et ne reprennent leur embonpoint que lorsque le printemps couvre la campagne d’une herbe abondante et savoureuse, que la sécheresse fait disparaître à son tour, et qui repousse de nouveau pendant l’automne. Cette dernière saison est la plus belle de toutes à Buénos-Ayres ; c’est alors que les habitans reprennent les travaux de la campagne, suspendus pendant les grandes chaleurs.

Outre le bétail ordinaire, une estancia renferme toujours un grand nombre de chevaux, tant pour la vente que pour l’usage des peons qui en font une consommation énorme. Ne connaissant d’autre allure que le galop, ils fatiguent leurs chevaux en peu d’heures et sont obligés d’en changer plusieurs fois par jour. Aussi une propriété comme celle que j’ai choisie pour exemple, doit-elle en avoir une centaine toujours rassemblés dans le corral ou aux environs, et prêts pour le service. Les chevaux errent en liberté comme les autres animaux, par petites troupes ou manadas, dont chacune est composée d’un étalon, de ses jumens et des poulains qu’elles ont mis bas. Ces espèces de famille se composent ordinairement de trente à quarante individus qui suivent sans cesse leur chef et ne se confondent jamais avec les manadas voisines. Elles se forment d’elles-mêmes sans l’intervention de l’homme. Chaque étalon rassemble autour de lui les jumens auxquelles il peut suffire, et n’en reçoit plus dans sa troupe lorsqu’il en a un nombre convenable. Celles qui se présentent alors sont repoussées à coups de dents et force ruades par lui-même et les autres jumens, et ne cessent d’errer de côté et d’autre jusqu’à ce qu’elles trouvent une famille qui veuille bien les recevoir. Lorsqu’un jeune cheval est devenu assez fort pour être chef d’une troupe, il est traité de même et expulsé de celle dont il fait partie. Il la suit alors de loin ainsi que