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POÉSIE D’ANTONY DESCHAMPS.

quer dans leur belle langue les drames de leur père commun, Shakespeare.

Parmi cette famille dévouée, on placera M. Antony Deschamps, traducteur de la Divine comédie.

Dante, homme d’état, théologien et poète, qui, dans son épopée mystique, avait reflété si naïvement la pensée du divin révélateur ; Dante, le poète de Jésus-Christ, devait reparaître le premier dans cette évocation du passé. Comme l’apôtre, si nous l’osons dire, il fallait que le poète reçût du siècle cette consécration rationnelle.

Tel fut le sentiment qui inspira l’œuvre de M. Deschamps : ce sentiment d’une société qui, ayant traversé toutes les combinaisons de la pensée, toutes les épreuves des faits, avant de rien tenter en avant, voulait jeter un regard sur l’immense espace qu’elle avait parcouru, et non-seulement elle, mais les générations successives qui l’avaient précédée, et dont, comme dernière venue, elle pouvait reprendre les traces dangereuses ou sûres, la marche bonne ou mauvaise.

Au milieu des considérations esthétiques, des affections particulières d’artiste, qui décidèrent M. Antony Deschamps à ce travail sur Dante, lui-même a fort bien expliqué dans sa préface l’importance d’autre sorte qu’il pouvait mettre à cette reproduction du grand poète catholique.

« Si l’on appelle poème épique, une œuvre idéale, développement d’une action grande et simple à la fois, touchant au ciel et à la terre, caractérisant un siècle et formant comme le résumé des connaissances physiques et métaphysiques de son temps, le livre de Dante est une admirable épopée, la plus admirable que nous connaissions ; Dante, c’est le moyen âge italien qui s’est fait homme avec ses croyances, sa superstition, sa physique, sa poésie, sa scolastique, ses guerres civiles, son républicanisme féodal, si différent du républicanisme antique, et la Divine comédie a été l’œuvre nécessaire du quatorzième siècle. C’est le poème le plus homogène, le plus logique qui soit sorti d’un cerveau humain ; partout on retrouve la même touche. Le purgatoire a des échos qui rappellent les gémissemens de l’enfer, et cette voix du poète qui a retenti dans les neuf cercles de la spirale infernale, et dans les cavités de la montagne où les âmes se purifient, vient encore se mêler, grave et