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une feuille, si ce n’est sur certaines plantes garnies de poils rudes comme le sont quelques cucurbitacées. Quand le passage de la troupe destructrice se prolonge, le bétail, qui est véritablement affamé, finit par manger, à défaut d’herbes, les sauterelles elles-mêmes. Cette nourriture communique au lait des vaches une certaine odeur musquée et une saveur très désagréable. Cette même saveur se trouve aussi dans les œufs pondus alors par les poules, que cette manne d’ailleurs engraisse prodigieusement.

Pour revenir à nos poissons, on juge bien que si des animaux herbivores s’accoutument, sans trop de difficulté, à en manger, il ne coûtera pas un grand effort aux carnivores chasseurs pour se faire pêcheurs au besoin. En différens pays du Nord, et notamment au Kamtschatka, les chiens à demi sauvages que les habitans attèlent, pendant l’hiver, à leurs traîneaux, ne pouvant plus servir à cet usage quand arrive l’été, sont chassés alors du logis, et obligés de chercher leur subsistance. La plupart se rendent sur les bords de la mer, et là on peut les voir tout le long du jour, dans l’eau jusqu’au ventre, guettant les mouvemens des poissons, et ne laissant guère échapper ceux qui s’approchent à portée de leurs dents. L’automne arrivant, ces chiens s’en retournent d’eux-mêmes aux lieux d’où ils sont venus, et chacun d’eux retrouve la maison de son ancien maître.

Le renard pêche comme le chien et de la même manière, c’est-à-dire en saisissant le poisson avec les dents, au risque de se faire mordre le museau. Le chat, au contraire, se sert de sa patte pour jeter hors de l’eau, par un mouvement rapide, le goujon ou le dard qui s’approche trop du bord. Il n’est pas rare de trouver chez les meuniers des chats qui sont fort adroits à cet exercice. Ce n’est pas toujours la nécessité qui développe chez eux cette industrie : quelques-uns pêchent, comme le chat du marquis de Carabas chassait quand il fut devenu grand seigneur, uniquement pour se divertir, et on en voit qui apportent à la maison le poisson qu’ils ont pris. En général, les chats n’aiment pas à se mouiller, et ceux mêmes qui vont à la pêche n’enfoncent dans l’eau que le bout de la patte ; cependant on en a vu qui ne craignaient pas de plonger en poursuivant le poisson, et le journal de Plymouth, dans un de ses numéros de janvier 1828, en rapporte