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à le terminer complètement, à rétablir en leur entier les annales du genre humain, à en combler les nombreuses lacunes, à faire pénétrer au sein des ténèbres qui en couvrent certaines parties, une lumière assez vive pour n’en pas laisser désirer une plus vive encore ; mais au moins peut-on raisonnablement se flatter d’arriver à une connaissance des faits principaux des divers âges suffisante pour en déduire, à l’aide d’une saine philosophie, les lois générales de l’humanité ; et de tous les fruits qu’il est possible de retirer de l’histoire, c’est là certes le plus précieux : car le progrès rapide et sûr de la vraie civilisation en dépend à beaucoup d’égards. On ne saurait donc trop souhaiter l’avancement d’un genre d’étude si étroitement lié aux plus graves intérêts de l’homme.

La France devança les autres nations dans cette vaste carrière. Elle y porta une ardeur soutenue, une solidité de jugement, un esprit d’ordre et de critique, qu’on n’a point encore surpassé. Le génie de Joseph Scaliger, homme prodigieux par l’immense étendue de son savoir, et le seul, dit Frédéric Schlegel, que nous puissions opposer à Leibnitz, créa la science chronologique que tua plus tard la lourde et vide érudition du père Petau. Rien aujourd’hui ne peut, parmi nous, donner une idée des gigantesques travaux des Ducange, des Baluze, des Lecointre, des Duchesne, des Tillemont, de l’Académie des Inscriptions, dont les mémoires forment un recueil jusqu’à présent unique de recherches aussi variées que profondes, et surtout des bénédictins de la congrégation de Saint-Maur. Ces pieux enfans de la solitude, après avoir déposé la bêche et le hoyau qui fertilisèrent une partie de notre sol, élevèrent, dans le silence du cloître, ces merveilleux monumens qu’on pourrait appeler les pyramides de la science, et qui, en ce siècle où l’on ne sait plus tout ce que peut opérer la force d’association constamment dirigée vers un même but, nous apparaissent comme des vestiges laissés par une race d’hommes plus puissante, de son passage sur la terre.

L’Espagne, en s’occupant de sa propre histoire si brillante, si poétique, a contribué à éclaircir une partie de celle des Arabes, ses derniers conquérans. Elle est loin cependant d’avoir épuisé la tâche particulière que sa position lui assigne dans cet ordre de recherches. De nombreux documens restent encore ensevelis dans