Page:Revue des Deux Mondes - 1833 - tome 2.djvu/483

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
477
REVUE. — CHRONIQUE.

sujet d’un récit dramatique bien conduit et plein d’un intérêt soutenu. Nelly est une histoire charmante d’une jeune fille muette, et à qui l’amour rend la parole ; mais je lui préfère les Transactions comme donnant une solution plus complète de la question morale que l’auteur a voulu résoudre. Le chevalier d’A… me paraît le plus faible morceau du volume. Quant à la question en elle-même, c’est-à-dire le néo-christianisme, si j’ai bien compris ce que M. Gustave Drouineau a publié jusqu’à ce jour sur ce sujet, il me paraît appartenir de près à l’une ou à l’autre de ces nombreuses petites sectes qu’a enfantées le saint-simonisme, à celle principalement qui s’intitulait la science nouvelle, et qui n’a rien de commun avec les hommes à la longue barbe, au gilet symbolique, dont le chef expie en ce moment à Sainte-Pélagie le crime d’avoir été trop bon logicien. Comme M. Gustave Drouineau, la science nouvelle avait cherché à formuler les trois époques morale, religieuse et critique, à travers lesquelles est censé avoir passé le christianisme, et elle admettait que l’extension et l’application des doctrines chrétiennes pouvaient seules régénérer le monde. D’autres ont été plus loin, et de conséquences en conséquences sont arrivés au catholicisme, ou du moins la différence entre ses croyances et les leurs est si mince, qu’ils ne peuvent l’exprimer que par le mot sacramentel de progrès, aussi vague et aussi indéfini que celui d’extension que nous venons de voir plus haut. Il est inutile de rechercher avec quelles autres opinions de même nature le système de M. Gustave Drouineau peut avoir une parenté plus ou moins éloignée. J’avoue qu’il m’est impossible de comprendre où toutes ces doctrines en veulent venir, en admettant d’un côté la vérité du christianisme dont la prétention première est l’universalité de temps et de lieux, et en prétendant de l’autre lui donner un développement plus large. Il faudrait, ce me semble, avant tout, commencer par rendre le mot d’extension ou de progrès clair et palpable à tous, en d’autres termes, émettre un symbole précis et rigoureux qui contînt toute la pensée sur laquelle repose le néo-christianisme.

Jusqu’à présent je ne vois que des résultats généraux indiqués pour un avenir incertain, les masses sollicitées à entrer dans une certaine voie ; mais nul moyen d’exécution arrêté : rien qui s’empare de l’individu pour lui prescrire ses devoirs de tous les instans ; en un mot je n’aperçois qu’une loi ténébreuse dépouillée de toute sanction, un simple système philosophique bon à prendre ou à laisser au gré de chacun. Si, dans votre opinion, le christianisme est seul propre à régénérer la société, qu’avez-vous de mieux à faire que d’employer tous vos efforts à ranimer cette croyance aux trois quarts éteinte chez les masses ? ou si elle a besoin de modifications, indiquez clairement celles que vous voulez lui faire subir :