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REVUE. — CHRONIQUE.

précédentes de noms inconnus, parmi lesquels brillent çà et là quelques astres qui depuis long-temps se sont levés sur l’horizon littéraire. Ne me demandez pas de vous signaler un à un tous les contes qui gisent côte à côte dans ce volume comme les momies des nécropoles d’Égypte. Je ne veux pas troubler le repos des auteurs pour conserver le mien. Trois seuls ont laissé une trace dans mon cerveau : La veuve du poète, par madame R. de Thellusson, tableau animé et touchant de la fascination que peut exercer un homme de génie sur la femme qu’il s’est choisie pour compagne ; le Mariage d’un vilain, où M. Paul de Musset a su rajeunir ce vieil oripeau d’opéra comique, le droit du seigneur ; et l’Horloge d’or, par M. N. de Salvandy, fragment d’idée revêtu d’une apparence philosophique comme les contes de ma Mère l’oie. Je me suis demandé en lisant ce dernier si c’était bien là l’ouvrage d’un homme d’esprit, tel que l’auteur d’Alonzo l’est incontestablement, et voilà pourquoi ce conte m’est resté dans la mémoire.

Un éclair de doute a traversé mon esprit en voyant apparaître le second volume des Heures du soir, livre des femmes. La petite mystification que contenait le premier, m’avait mis sur mes gardes. Une spirituelle préface, équivalant presque à une déclaration de guerre, annonçait qu’il était interdit à tout auteur portant barbe au menton de coopérer à la rédaction de cet ouvrage. Ce devait être une œuvre de femmes dans toute la force du terme. Puis, comme effrayées de cette levée de boucliers, ces dames ne s’étaient-elles pas avisées d’admettre dans leurs rangs deux jeunes gens qui s’étaient contentés, pour tout déguisement, de féminiser leurs noms de baptême ? Ce qu’il y a de plus piquant dans tout ceci, c’est que la critique n’a pas vu passer le moindre petit bout d’oreille qui vînt éveiller ses soupçons et l’avertir de la supercherie. Un habile homme de ma connaissance a donné dans le piège en plein, et a répandu toutes les fleurs de sa galanterie aux pieds de ces messieurs, qui ont dû bien rire du succès de leur déguisement. Cette fois des noms bien connus ne permettent pas le plus léger doute sur l’identité des sexes. C’est bien à la plume élégante et gracieuse de madame Amable Tastu que nous devons Trop tard, récit où brillent une observation fine des mœurs de notre époque et une satire mordante de certains hommes habiles à faire leur chemin, et de celle de madame Elisa Voyart que sont sortis les Fiançailles et l’habit de noce, peinture naïve des mœurs de la Lorraine dans le dernier siècle. Laura Murillo, par madame Mennessier-Nodier, est un petit épisode de la peste de Barcelonne qui n’a d’autre défaut que d’être trop court. Quant à madame Hortense Allart qui s’est bornée cette fois à traduire une vieille chronique romaine recueillie par Muratori, elle nous doit, pour réparation d’avoir pris ce vêtement