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QUITTE POUR LA PEUR.

TRONCHIN.

Les plus bruyantes, madame, ce sont d’ordinaire les plus légères fautes, et les plus fortes sont les plus silencieuses, j’ai toujours vu ca.

LA DUCHESSE.

Voilà qui est bien contre le bon sens, par exemple.

TRONCHIN.

Comme tout ce qui se fait dans le monde, madame.

LA DUCHESSE (se levant et lui tendant la main].

Docteur, vous êtes franc ?

TRONCHIN.

Toujours plus qu’on ne le veut, madame.

LA DUCHESSE.

On ne peut jamais l’être assez pour quelqu’un dont le parti est pris d’avance.

TRONCHIN.

Un parti pris d’avance est souvent le plus mauvais parti, madame.

LA DUCHESSE (avec impatience).

Que vous importe ? c’est mon affaire ; je veux savoir de vous quelle est ma maladie ?

TRONCHIN.

J’aurais déjà dit ma pensée à madame la duchesse, si je connaissais moins le caractère de M. le duc.

LA DUCHESSE.

Eh bien ! que ne me parlez-vous de son caractère ? quoique je n’aime pas à l’entendre nommer, comme il n’est pas impossible qu’il ne survienne par la suite quelque événement qui nous soit commun… je…

TRONCHIN.

Il est furieusement fantasque, madame, je l’ai vu haut comme ça (mettant la main à la hauteur de la tête d’un enfant) et toujours le même, suivant tout à coup son premier mouvement avec une soudaineté irrésistible et impossible à deviner. Dès l’enfance, cette impétuosité s’est montrée et n’a fait que croître avec lui. Il a tout fait de cette manière dans sa vie, allant d’un extrême à l’autre sans hésiter.