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REVUE. — CHRONIQUE.

si les bruits de coulisses ne nous trompent pas, à cent quarante-cinq mille francs, la somme payée en conséquence de ce principe, par M. de Custine à M. le directeur de la Porte Saint-Martin, pour frais de costumes, de décors et de public, et pour dépenses de toute espèce occasionées par la mise en scène de son ouvrage. On ajoute que l’auteur payait au directeur mille écus par représentation, mais qu’ayant voulu réduire quelque peu de cette somme, à la quatrième représentation, le directeur a rudement refusé de jouer plus long-temps la pièce. Nous souhaitons au directeur de la Porte Saint-Martin beaucoup d’actrices aussi distinguées que madame Dorval, et surtout beaucoup d’auteurs aussi riches et aussi généreux que M. de Custine, quoiqu’il les récompense fort mal.

— Bocage, que la Comédie Française n’a pas su retenir, va faire une tournée dans le midi de la France, où il est impatiemment attendu. Cet excellent acteur n’avait retardé son départ que pour jouer le rôle du duc dans le proverbe de M. Alfred de Vigny ; il s’en est acquitté avec beaucoup d’aisance et de finesse. Il a été très bien secondé par Provost.

UNE GROSSESSE, PAR M. J. LACROIX.

Nous devons à une pensée lugubre, effrayante, satanique, mais au fond morale, qui a long-temps hanté le cerveau de M. Jules Lacroix, le roman dont il vient de nous gratifier sous le titre d’une Grossesse[1]. Voilà du moins ce qu’il nous apprend dans une préface sous forme d’allocution au bibliophile Jacob, où je vois, que lui Jules Lacroix a long-temps regardé l’art comme chose sérieuse, et sué sang et eau à limer des traductions de Perse et de Juvénal ; mais que le bibliophile lui a démontré sans réplique comme quoi c’était pure niaiserie, par le temps qui court, de s’escrimer consciencieusement pour gagner les bonnes grâces du public, et que la littérature était une marchandise comme une autre. Ainsi revenu des erreurs de sa jeunesse, M. Jules Lacroix a mis sur l’enclume sa pensée satanique et morale, et voici ce qu’il a enfanté : le marquis d’Escas, vieux mari à cheveux blancs, a une jeune femme et un ami, le vicomte Armand, qui le trompent tous deux, et le rendent père d’un enfant dont il salue la naissance avec les transports paternels d’usage. Il surprend un jour sa femme dans les bras du vicomte, et l’horrible vérité se découvre à lui tout entière. Dans le premier moment de fureur, il songe à un duel, à l’assassinat : mais le premier

  1. vol. in-8o, chez Renduel.