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Obermann.

éclairés sur leurs intérêts, ils eurent bientôt compris qu’il ne s’agissait plus d’être élevés par le maître, mais d’être choisis par la nation ; que sous un gouvernement représentatif, il ne suffisait plus d’être aveugle et ponctuel dans l’exercice de la force brutale, pour arriver à faire de l’arbitraire en sous-ordre, mais qu’il fallait chercher désormais sa force dans son intelligence, pour être élevé par le vote libre et populaire à la puissance et à la gloire de la tribune. À mesure que la monarchie, en s’ébranlant, vit ses faveurs perdre de leur prix, à mesure que la véritable puissance politique vint s’asseoir sur les bancs de l’opposition, la culture de l’esprit, l’étude de la dialectique, le développement de la pensée devint le seul moyen de réaliser des ambitions désormais plus vastes et plus nobles.

Mais avec ces promesses plus glorieuses, avec ces prétentions plus hautes, les ambitions ont pris un caractère d’intensité fébrile qu’elles n’avaient pas encore présenté. Les âmes surexcitées par d’énormes travaux, par l’emploi de facultés immenses, ont été éprouvées tout à coup par de grandes fatigues et de cuisantes angoisses. Tous les ressorts de l’intérêt personnel, toutes les puissances de l’égoïsme, tendues et développées outre mesure, ont donné naissance à des maux inconnus, à des souffrances monstrueuses, auxquelles la psychologie n’avait point encore assigné de place dans ses annales.

L’invasion de ces maladies a dû introduire le germe d’une poésie nouvelle. S’il est vrai que la littérature soit et ne puisse être autre chose que l’expression de faits accomplissables, la peinture de traits visibles, ou la révélation de sentimens possiblement vrais, la littérature de l’empire devait réfléchir la physionomie de l’empire, reproduire la pompe des événemens extérieurs, ignorer la science des mystérieuses souffrances de l’âme. L’étude de la conscience ne pouvait être approfondie que plus tard, lorsque la conscience elle-même jouerait un plus grand rôle dans la vie, c’est-à-dire lorsque l’homme, ayant un plus grand besoin de son intelligence pour arriver aux choses extérieures, serait forcé à un plus mûr examen de ses facultés intérieures. Si l’étude de la psychologie, poétiquement envisagée, a été jusque-là incomplète et superficielle, c’est que les observations lui ont manqué, c’est que les ma-