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Page:Revue des Deux Mondes - 1833 - tome 3.djvu/569

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NOUVELLES EXPÉDITIONS ANGLAISES.

tion plus soignée, qui était sans doute celle du gouverneur. Autour du village, quelques places où l’herbe était plus verte et plus vigoureuse indiquaient les cultures auxquelles s’étaient livrés les colons ; mais elles étaient si petites, qu’en vérité elles ne pouvaient leur fournir qu’une chétive quantité de légumes frais : preuve d’un défaut d’énergie dans le gouverneur ou dans ses subordonnés, car le sol est propre à toute espèce de jardinage. Après deux heures de promenade, je retournai au canot, d’où je m’étais considérablement éloigné. En arrivant près du rivage, une fusillade non interrompue et de petits nuages de fumée dans toutes les directions m’annoncèrent le carnage que mes compagnons faisaient du gibier de l’île. Je découvris bientôt deux d’entre eux portant, l’un au bout d’un fusil de munition, une oie énorme, l’autre un courlis au long bec recourbé suspendu à son fusil de chasse. Je ris beaucoup au récit de leurs exploits qui n’étaient cependant rien auprès de ceux de leurs camarades qui revinrent le soir à bord avec au moins deux cents oies, canards, bécassines et autres oiseaux tous excellens à manger. Le gibier abonde en effet sur ces îles, et n’ayant jamais été effrayé par la présence de l’homme, il se laisse approcher au point qu’on peut le tuer à coups de bâton. Les marais fourmillent de bécassines pareilles à celles d’Europe, qui ne prennent leur vol que lorsqu’on est près de les écraser avec le pied. Les lapins abondent partout où le sol leur permet de se creuser un trou ; on les trouve souvent vivant en compagnie avec des pingouins. Un de nos chasseurs me raconta qu’un faucon noir, qui planait depuis quelque temps au-dessus de sa tête, en le voyant approcher d’un amas de roche, avait tout à coup fondu sur lui à plusieurs reprises en tâchant de lui porter des coups de bec, de sorte qu’il s’était vu obligé de le tuer pour se délivrer de ses attaques. Mais à peine le pauvre oiseau fut-il étendu sans vie à ses pieds, qu’il découvrit à quelques pas devant lui la cause de sa fureur ; sa femelle était paisiblement occupée à couver ses œufs à l’abri d’une pointe de rocher. Loin de fuir à l’aspect du chasseur, elle resta à la même place, hérissant ses plumes et le menaçant de son bec. Celui-ci se mit à la pousser avec le bout de son fusil pour lui faire quitter son nid ; alors elle entra en fureur et se précipita sur lui en jouant à la fois du bec, des griffes et des ailes : il ne put s’en délivrer qu’en la mettant à mort comme son mâle.