Page:Revue des Deux Mondes - 1833 - tome 4.djvu/120

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
116
REVUE DES DEUX MONDES.

de la police de la capitale, et qu’un mot fameux a rendu célèbre lors de l’expulsion de Manuel. La duchesse de Berry lui écrivait fort gaiement qu’elle se trouvait saine et sauve à Massa, et qu’elle n’avait pas été empoignée, comme il pouvait le craindre. Plusieurs personnes fort connues ont entendu la lecture de cette lettre dans le salon d’une dame que sa beauté et l’attachement que lui portait Charles x ne faisaient pas moins distinguer autrefois dans le faubourg Saint-Germain, que ne le fait aujourd’hui son dévouement aux Bourbons.

Quelque temps après, Madame rentra, en effet, en France par le Midi, et arriva à Toulouse dans une calèche découverte. Le sentiment qui a dicté à Madame la discrétion sur les circonstances que nous venons de rapporter, fait honneur à la délicatesse de son ame. Elle a oublié quelques justes ressentimens pour ne tenir compte que du bienfait ; mais, l’histoire, qui commence déjà aujourd’hui pour elle, doit recueillir cette action : de tels traits, autant que le sang-froid et l’intrépidité de Madame, sont faits pour exciter l’indulgence en faveur de ses faiblesses.

M. Dermoncourt est mieux informé quand il rapporte que Madame avait à Paris, parmi les personnes qui approchent le plus près le roi Louis-Philippe, des amis qui lui rendaient compte de ce qui se passait aux Tuileries. L’un de ces amis lui écrivit, dit-il, pour lui annoncer la trahison de Deutz, qui la livra : « Cette personne, dit M. Dermoncourt, serait curieuse à nommer, si la nommer n’était de ma part une dénonciation. » Tout le monde sait aujourd’hui que ce personnage est M. d’A… ; mais que M. Dermoncourt se rassure : M. d’A… n’agissait pas sans autorisation, et il était assuré, en agissant ainsi, d’une approbation qui lui tient lieu de toutes les autres.

Nous ne quitterons pas le curieux et intéressant ouvrage de M. le général Dermoncourt sans remplir une autre lacune qui se trouve dès les premières pages. Dans le récit, fort abrégé, du voyage de Charles x à Cherbourg, récit qui ne tient pas à son sujet, M. Dermoncourt paraît ignorer la cause des retards et des lenteurs que le vieux roi mettait dans sa marche. Cette cause est, en effet, peu connue. Charles x, se berçant toujours de fausses espérances, avait écrit, dès le premier jour de son voyage, au duc de Wellington, alors premier ministre, pour solliciter de lui l’envoi d’une frégate anglaise à Cherbourg.

Cette frégate devait transporter Charles x à Alger, où il voulait aller pour réclamer le secours de sa flotte, opérer une descente dans le Midi, et revenir, les armes à la main, soumettre sa capitale rebelle. La dépêche fut écrite par le duc de Luxembourg, et nous avons eu connaissance d’une copie de cette lettre, remise à un diplomate anglais, qui prit part à cette négociation. Le duc de Wellington refusa avec beaucoup de prudence, et Charles x, après avoir long-temps retardé sa marche pour attendre la réponse, fut forcé, à défaut d’une frégate, de s’embarquer sur le Charles Caroll, et de renoncer à la conquête de la France. Ce fait peut paraître singulier, si l’on songe au peu d’empressement que Charles x,