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Indiens, ceux de la troisième en Mores, et ceux de la dernière en Romains ; puis enfin vingt-quatre chevaux des écuries du roi, richement caparaçonnés, conduits chacun par un valet de pied, et destinés à servir de montures aux caballeros en plaza.

Tout cela défila sous le balcon de leurs majestés et sortit de la place après en avoir fait le tour, à l’exception des alguazils, des banderilleros, des capeadors et des chulos, qui prirent immédiatement position, les premiers en avant des hallebardiers, les autres aux quatre coins de l’arène.

Les caballeros en plaza rentrèrent bientôt à cheval, armés des rejoncillos, et escortés chacun de quatre matadors tenant en mains les petits drapeaux d’écarlate, — les muletas, — et les grands manteaux de soie.

Ils allèrent se placer ainsi vis-à-vis des portes des deux toriles.

La première bataille allait se livrer. L’anxiété était grande, le silence universel et profond.

Enfin le chambellan, debout derrière sa majesté, donne le signal en agitant un mouchoir blanc et en jetant les clefs des toriles. Un chulo, les ayant ramassées, les remit à l’un des alguazils qui courut les porter au mayoral. On lâcha en même temps des colombes qui s’envolèrent, faisant flotter des tresses de rubans attachées à leurs pattes.

Aussitôt un roulement de tambours se fit entendre. La porte du torile du roi s’ouvrit soudain, et un magnifique taureau andaloux, à la devise écarlate aux franges d’argent, s’élança dans l’arène. Aveuglé par le soleil, qui l’avait ébloui d’abord, il avait passé au milieu des quatre caballeros sans les voir. Mais quand il eut traversé toute la largeur de la place, apercevant les alguazils, il se précipita vers eux. Ceux-ci cependant, qui étaient sur leurs gardes, trompèrent sa furie, et évitèrent son attaque en s’enfuyant de divers côtés au grand galop, comme une volée de corbeaux qui se serait dispersée.

Le terrible animal se trouvait vis-à-vis des hallebardiers, qui, à son approche, se mettant en défense sans rompre leurs lignes, lui présentèrent un front hérissé d’un triple rang de piques. Il s’arrêta devant eux, mugissant, grattant du pied la terre, puis il s’éloigna lentement, à reculons, secouant la tête, — comme s’il eût voulu dire