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DE LA CHINE.

faits M. Rémusat pour débrouiller ce chaos mobile de peuples dispersés sur une immense étendue de pays où ils se croisent en tous sens, se mêlent ou se remplacent perpétuellement. Si, malgré ses travaux et ceux de M. Klaproth, il reste encore bien des obscurités dans l’histoire des nations tartares, du moins quelques points essentiels ont été éclaircis. On a démêlé la différence des races sous la confusion de cette dénomination de Tartares, dont la vogue en Occident paraît avoir été causée en grande partie par la ressemblance du nom de quelques hordes avec le nom latin des enfers : les Tartares vrais enfans du Tartare, Tartari gens tartarea ; ce jeu de mot qui se rencontre fréquemment chez les écrivains du moyen âge exprime assez vivement l’épouvante qu’inspiraient à l’Europe ces démons déchaînés. Quoi qu’il en soit, M. Rémusat voulait qu’on se gardât de substituer par une pédanterie malavisée à ce mot de Tartare celui de Tatar qui ne s’applique qu’à une petite partie de ces populations, et ne peut sans confusion s’étendre à une masse si considérable de tribus distinctes ; tandis que le nom de Tartare établi par l’usage, n’étant celui d’aucune d’elles en particulier, peut sans inconvénient servir à les désigner collectivement.

Ce nom pris dans cette acception générale comprend quatre familles de peuples, les Tongous, les Mongols, les Mantchoux et les Thibétains.

Les Tongous, situés le plus à l’orient, qui habitent sans les occuper cent mille lieues carrées, ont à plusieurs reprises fourni des maîtres à la Chine ; dès le xe siècle, ils en ont occupé la partie septentrionale, donné à leur khan le nom d’empereur, et réclamé à ce titre la soumission des autres nations tartares. Ce fut un empereur tongou de la dynastie des Kin qui envoya demander le tribut à celui qui en 1210 était khan des Mongols, et lui prescrire d’écouter à genoux les ordres de son souverain. Mais le khan se tourna du côté du midi, cracha en l’air, et dit : « Celui qui t’envoie passe pour le fils du ciel et n’est pas même un homme. » Ce khan était Gengis, qui allait détruire la puissance des Tongous et fonder celle des Mongols.

Cependant les destinées conquérantes de la race tongouse ne devaient pas s’arrêter là, car cette race a produit les Mantchoux,