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plus haute tour. Encore ! encore ! oh ! je veux monter plus haut. Encore un degré, encore un pan de mur, encore une tourelle, encore un fût rongé qui me grandisse assez pour que je jette leurs voix avec ma voix sur le plus haut nuage où le Seigneur est assis

ii.

Qui a tracé, il y a mille ans, sur un rouleau de parchemin le plan de mes tours à dentelles, de ma nef dorée ? Est-ce un maître de Cologne ou bien est-ce un maître de Reims ? Qui a tracé en vermillon le plan de mes colonnettes agiles, de mes portes rugissantes ? Est-ce un maître de Vienne ou bien est-ce un maître de Rouen ? Non pas, non pas. C’est le diable qui l’a vendu à l’ouvrier pour le prix de son ame ; monte donc, ma tourelle ; échevelée, habillée en pleureuse, glisse-toi, roule-toi dans le nuage comme une ame qui frappe de son aile de soie à la voûte du ciel sans pouvoir l’entr’ouvrir

iii.

Ma tête, ah ! ma tête a percé le nuage d’automne. Elle a percé le plus haut des nuages ; pourquoi les arbres ne veulent-ils pas monter plus haut que les fougères ? Pourquoi les éperviers ne veulent-ils pas monter plus haut que ma ceinture ? C’est que l’aile des éperviers est lasse. C’est que l’œil des éperviers se trouble. Déjà mes tours à moi ont le vertige. Comment feront-elles pour redescendre leurs degrés ?

iv.

Voyez ! mes petites chapelles noires se couchent autour de moi comme des génisses noires au pied de la montagne. Ne craignez rien, mes petites chapelles. Des trèfles et des ceps de pierre croissent dans mon vallon ; le faucheur ne les fauchera pas, le vigneron ne les arrachera pas dans ma vigne. Des troncs et des branches de sapin germent sur mes sommets. Le bûcheron ne coupera pas de sapin dans ma forêt. La bûcheronne n’abattra ni troncs ni branches sur mes coteaux.

v.

Des rois et des papes trônent dans mes vallées, ils ont pour château une niche ciselée par un bon ouvrier. Si la pluie en tombant les découronne goutte à goutte, après mille ans, ils ont sur leurs têtes un dais de rochers festonné en trois jours par l’aiguille