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donc de son splendide uniforme, et donna ordre à son palefrenier de caparaçonner le beau cheval qu’il tenait de la munificence de la Validé.

Mais au moment où il se disposait à sortir, une troupe de janissaires entra dans la cour, le yataghan au poing ; et après quelques coups de bâton distribués à droite et à gauche, les soldats s’emparèrent de Nuh-Effendi et de Baltadji-Méhémet, auxquels ils attachèrent avec des cordes les pieds et les mains. On les hissa ensuite sur deux chevaux ; et sans leur donner d’autre explication, on les conduisit à Top-khana, où ils furent jetés dans un cachot.

L’infortuné Baltadji se désespérait de cette aventure. Le lieu où il se trouvait renfermé lui apprenait assez qu’il n’en sortirait que pour aller à la mort.

Son oncle, recueilli en lui-même, conservait un visage grave et sévère, mais aussi plein de calme et d’assurance. Méhémet, les larmes aux yeux, lui reprochait ce fatal mariage, auquel il attribuait, sans pouvoir en expliquer la cause, l’affreux malheur qui venait de les frapper tous deux.

— Ne valait-il pas mieux, s’écriait-il dans sa douleur, résister aux ordres de la Sultane, puisqu’elle nous abandonne dans le péril où nous sommes aujourd’hui ? Cruelle Koutoudji ! cœur de tigresse sous la peau d’une gazelle, que vous ai-je fait pour m’enfoncer ainsi un poignard dans le sein ?

— Mon fils, interrompait Nuh-Effendi, ne blasphémez pas contre la Providence : c’est quelquefois pour nous sauver que la main de Dieu s’appuie sur notre tête. N’avez-vous pas déjà une fois éprouvé les effets de la clémence du ciel ? Quand la renommée de votre mauvaise conduite me fit comparaître devant la mère du glorieux Moustapha second, ne vous ai-je pas rapporté, au lieu du châtiment que vous aviez mérité, l’honorable protection de la Sultane, qui vous éleva au rang des écuyers de Sa Hautesse ? Ne désespérez donc pas à cette heure comme un enfant qui a peur de son ombre : nous pouvons encore en appeler au Sultan ; je vous assure qu’il ne refusera pas de nous entendre.

Un tchiaouch porta au sérail la requête de Nuh-Effendi, et il revint bientôt avec un ordre qui mandait les deux prisonniers au pied du trône de Sa Hautesse.