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FÊTES DE LA JURA.

encore de leur présence, ne furent cependant pas aussi splendides que la course royale ; mais elles furent assurément aussi meurtrières. — Le nombre des victimes ne fut pas moindre, si le sacrifice fut moins pompeux, et l’autel couronné de moins de fleurs.

Les hallebardiers ne reparurent plus dans la place. En revanche, la troupe des alguazils y fut doublée. Il y en eut un escadron entier rangé en bataille au-dessous de la loge du roi. — C’était une inextinguible joie pour le peuple de voir les alertes continuelles de ces timides cavaliers, leurs rapides évolutions, leurs fuites désordonnées. Plusieurs, perdant les étriers, tombèrent de cheval et se blessèrent. — Un d’entre eux, — l’un des alguazils du palais, un vieillard, un ancien serviteur du roi, jeté à terre, allait périr sous les cornes d’un taureau qui se précipitait sur lui. — Le manteau d’un matador vint à son secours et détourna l’animal furieux ; — mais le malheureux alguazil qu’on emporta évanoui, dut mourir de sa frayeur, s’il ne mourut pas de sa chute.


Dans la première des deux courses de la ville figurèrent encore trois caballeros en plaza, ayant pour parrains trois regidors de Madrid. – Ces chevaliers n’eurent pas meilleure chance que ceux de la course royale, car deux d’entre eux sortirent assez grièvement blessés de leur entreprise.

Cette course fut brillante pour les matadors. Montès y fit des prodiges d’audace et de dextérité. — Léon, son rival, fut aussi bien beau. Il y eut surtout entre lui et un taureau un duel magnifique. — Ce taureau était l’un des plus grands qu’eussent nourris jamais les pâturages de la Navarre. Léon, au contraire, qui devait le combattre, était plus que médiocre de taille. Mais du moment qu’ayant saisi l’épée il s’avança vers son ennemi, la tête haute, l’œil enflammé, d’un pas rapide et ferme, — ce fut un autre homme ; — il avait dix pieds. — C’est qu’il était sûr de son coup, comme Romeo quand il va tuer Tybalt. — Aussi il vint ; et chacun vit bien que le taureau était déjà mort, même avant qu’il l’eût touché. — Il l’appela d’une voix rauque ; de la main gauche, abaissant la muleta, il leva le bras droit ; l’animal se précipita, et le matador, d’une seule et profonde estocade, où le fer disparut tout entier, le renversa expirant sur le sable.