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lira ceux qui viennent de paraître, son touchant récit du pauvre Mineur de Falaun, sa délicieuse histoire de l’Enfant étranger, écrite, comme il le dit lui-même, pour les grands et les petits enfans, et toutes ses idées sur la musique exprimées avec tant de verve, de poésie et d’originalité, dans sa Kreisleriana. Enfin nous connaissons sa vie publiée par Walter Scott, et je suis sûr que personne ne dédaignera celle que M. Loève-Veimars a faite d’après les documens si vrais et si complets que lui a fournis Hitzig. Ainsi Hoffmann n’a rien perdu de sa popularité, car il a pour la soutenir deux moyens puissans. Il agit sur le peuple par ses créations neuves et fantastiques, et sur les artistes par sa nature maladive et passionnée.

En Allemagne, où les choses s’usent moins vite que chez nous, où l’on garde plus long-temps le souvenir de ce qui nous a une fois émus ; en Allemagne, la mémoire de Hoffmann est encore vivante et se retrouve partout. Dans la voiture de Francfort je rencontrai un bon littérateur allemand qui ne se lassait pas de m’en parler. À Leipzig, on me montrait la maison où il habitait pauvre et soucieux, la cave où il se sentait, comme il le dit lui-même, glisser sans le vouloir. J’allais voir Rochlitz, et Rochlitz, le directeur du journal de musique, ne pouvait oublier qu’il l’avait eu long-temps pour collaborateur. À Dresde, on vantait ses talens comme chef d’orchestre et régisseur de théâtre. À Berlin, on me faisait remarquer, dans la grande rue qui conduit à la porte de Brandebourg (Unter den Linden), une maison large, silencieuse, d’un aspect assez triste ; c’est là que fut imaginé le conte de la Maison déserte ; on me conduisait chez Hitzig qui ne pouvait s’entretenir encore de son ancien ami, sans émotion ; on me montrait les deux jeunes filles, deux sœurs aux yeux noirs, qui ont servi de type à quelques-unes des plus belles et des plus gracieuses créations de Hoffmann. Toutes les deux n’étaient encore que des enfans, il les prenait sur ses genoux, et leur racontait quelques-uns de ses plus jolis récits, en même temps que Chamisso composait pour elles son Pierre Schlemihl. Ainsi je voyais son souvenir profondément gravé dans le cœur de ceux qui l’avaient connu ; puis je m’en allais hors de la ville au cimetière où je trouvais son tombeau, une simple pierre auprès de laquelle on oubliait toutes les riches sépultures en mar-