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que M. Dubois était le politique ému et acéré, le critique chaleureux. Indépendamment des articles recueillis dans le volume des Mélanges, M. Jouffroy en a écrit plusieurs sur des sujets d’histoire ou de géographie, et y a porté sa large manière. Il cherchait à tirer des antécédens historiques, des conditions géographiques et de l’esprit religieux des peuples, la loi de leur mouvement et de leur destinée. Les résultats les plus généraux de ses méditations à ce sujet sont consignés dans deux leçons d’un cours particulier professé par lui en 1826 (de l’État actuel de l’Humanité). Il ne s’y interdisait pas, comme il l’a trop fait depuis, l’impulsion active et stimulante, l’appel à l’énergie morale d’un chacun ; il n’y imposait pas, comme dans ses articles sur mistriss Trolloppe, le calme et le quiétisme brahminique aux assistans éclairés, sous peine de déchéance aveugle et de fatuité. Au contraire il y marquait l’initiative à la civilisation chrétienne et le devoir d’agir à chacun de ses membres ; il y disait avec plainte : « Comment aurions-nous des hommes politiques, des hommes d’état, quand les questions dont la solution réfléchie peut seule les former ne sont pas même posées, pas même soupçonnées de ceux qui sont assis au gouvernail ; quand, au lieu de regarder à l’horizon, ils regardent à leurs pieds ; quand, au lieu d’étudier l’avenir du monde, et dans cet avenir celui de l’Europe, et dans celui de l’Europe la mission de leur pays, ils ne s’inquiètent, ils ne s’occupent que des détails du ménage national… Nous ne concevons pas que tant de gens de conscience se jettent dans les affaires politiques, et poussent le char de notre fortune dans un sens ou dans un autre, avant d’avoir songé à se poser ces grandes questions… Je sais que la marche de l’humanité est tracée, et que Dieu n’a pas laissé son avenir aux chances des faiblesses et des caprices de quelques hommes. Mais ce que nous ne pouvons empêcher ni faire, nous pouvons du moins le retarder ou le précipiter par notre mauvaise ou notre bonne conduite. Dans les larges cadres de la destinée que la Providence a faite au monde, il y a place pour la vertu et la folie des hommes, pour le dévouement des héros et l’égoïsme des lâches. »

C’était dans sa chambre de la rue du Four-Saint-Honoré, à l’ouverture d’un des cours particuliers auxquels le confinait l’interdic-