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vint en Angleterre visiter les reliques des saints et les lieux vénérables, comme il avait fait dans d’autres contrées. Il était porteur de lettres de recommandation du pape pour les hommes religieux et les prélats de ce royaume. S’étant rendu à Saint-Alban pour adresser ses prières au protomartyr de l’Angleterre, il fut reçu avec honneur par l’abbé et par le couvent. Pendant son séjour en ce lieu, il fit à ses hôtes plusieurs questions relatives aux rits et coutumes de l’Angleterre, et en revanche leur raconta plusieurs particularités de son pays. On l’interrogea, entre autres choses, sur ce fameux Joseph dont il est si souvent question parmi les hommes ; sur ce Joseph qui fut présent à la Passion du Christ, et qui existe encore comme une preuve vivante de la foi chrétienne. On lui demanda s’il ne l’avait jamais vu, ou s’il n’en avait pas entendu parler. Un officier de la suite de l’archevêque, natif d’Antioche, qui lui servait d’interprète, et qui était connu de Henri Spigurnel, un des domestiques du seigneur abbé, répondit dans la langue qu’on parlait en France (gallicanâ linguâ), que son maître connaissait parfaitement cet homme, et que même un peu avant son départ pour l’Occident, il l’avait reçu à sa table. Quant à ce qui s’était passé entre ce Joseph et Jésus-Christ, voici le récit de l’Arménien : Lorsque Jésus fut entraîné par les Juifs hors du prétoire pour être crucifié, Cartaphilus, portier de Ponce-Pilate, le poussa avec le poing par le dos, en lui disant d’un ton de mépris : Jésus, marche plus vite ; pourquoi t’arrêtes-tu ? Alors le Christ, fixant sur cet homme un regard triste et sévère, lui répondit : Je marche comme il est écrit, et je me reposerai bientôt ; mais toi, tu marcheras jusqu’à ma venue. Au moment de la Passion, Cartaphilus avait environ trente ans ; toutes les fois qu’il atteint sa centième année il tombe dans une sorte d’extase d’où il sort rajeuni et revenu à l’âge qu’il avait au jour de son arrêt. Cartaphilus se convertit à la foi chrétienne ; il fut baptisé par Ananias, le même qui baptisa saint Paul, et il fut appelé Joseph. Il habite ordinairement dans l’une et l’autre Arménie ; c’est un homme pieux et de conversation édifiante ; il vit surtout avec les évêques ; il parle peu, et seulement quand il en est requis par de hauts dignitaires de l’église ou par de saints personnages ; alors il donne de curieux détails sur la passion et la résurrection du Christ, sur