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DE LA NATURE DU GÉNIE POÉTIQUE.
L’ÉTERNITÉ.

Là, sous ce pli de ma robe.

LE FIRMAMENT.

Faut-il emporter toutes mes étoiles, comme un faucheur l’herbe fleurie qu’il a semée ?

L’ÉTERNITÉ.

Oui, je les veux toutes cueillir ; c’est leur saison.

LE SPHINX.

Quand vous avez sifflé, pour m’appeler en messager, je vous ai suivie en tous lieux ; et j’ai creusé de ma griffe votre noir abîme ; laissez-moi encore me coucher à vos pieds.

L’ÉTERNITÉ.

Va-t-en comme eux. J’ai déjà jeté dans l’abîme mon serpent qui se mord la queue de désespoir.

LE NÉANT.

Au moins, moi, vous me garderez ; je tiens peu de place.

L’ÉTERNITÉ.

Mais tu fais trop de bruit : ni être, ni néant ; je ne veux plus que moi.

LE NÉANT.

Qui donc vous gardera dans votre désert ?

L’ÉTERNITÉ.

Moi !

LE NÉANT.

Et, si ce n’est moi, qui portera à votre place votre couronne ?

L’ÉTERNITÉ.

Moi !

Ce moi de l’éternité solitaire, remplissant les abîmes de l’infini, survivant au monde des idées comme à celui des formes, et s’asseyant seule à la place de tout ce qui fut, même de ce qui fut Dieu, est le dernier mot de cette épopée dithyrambique. Je dis épopée, parce que je trouve empreint dans cet ouvrage le véritable caractère épique. En effet, ce qui distingue l’épopée de toutes les autres sortes de compositions, c’est la confluence dans un même lit des trois grandes sources qui alimentent toutes les autres branches de poésie ; savoir, Dieu, la nature et l’homme. Ce n’est pas