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NOUVELLES LETTRES SUR L’HISTOIRE DE FRANCE.

race franke ne restait sans réponse ; mais Hilperik avait perdu toute sa fierté originelle. Après d’inutiles efforts, pour échapper à son ennemi, poussé à bout, et ne se sentant pas le courage du sanglier aux abois, il eut recours à la prière, et demanda la paix en promettant satisfaction. Sighebert, malgré son naturel violent, ne manquait pas de générosité. Il consentit à oublier tout, pourvu seulement que les villes de Tours, Poitiers, Limoges et Cahors, lui fussent rendues sans délai, et que l’armée de Theodebert repassât la Loire[1]. Vaincu de son propre aveu, et pour la seconde fois déchu de ses espérances de conquête, Hilperik, comme un animal pris au piége, se montra tout à fait radouci ; il eut même un de ces accès de bonhomie qui, dans le caractère germanique, semblait faire intermittence avec la férocité la plus brutale et l’égoïsme le plus rusé. Il s’inquiéta de ce que deviendraient les habitans des quatre villes qui s’étaient soumises à lui : «  Pardonne-leur, dit-il à son frère, et ne mets pas la faute sur eux, car s’ils ont manqué à la foi qu’ils te devaient, c’est que je les y ai contraints par le fer et par le feu. » Sighebert fut assez humain pour écouter cette recommandation[2].

Les deux rois paraissaient très satisfaits l’un de l’autre, mais un grand mécontentement régnait dans l’armée austrasienne. Les hommes enrôlés dans les contrées d’outre Rhin murmuraient de ce qu’une paix inattendue venait les frustrer du butin qu’ils s’étaient promis d’amasser en Gaule. Ils s’indignaient d’avoir été emmenés si loin de chez eux pour ne pas se battre et pour ne rien gagner ; ils accusaient le roi Sighebert de s’être retiré du jeu dès qu’il avait fallu combattre. Tout le camp était en rumeur, et une émeute violente se préparait. Le roi, sans témoigner aucune émotion, monta à cheval, et galopant vers les groupes où vociféraient les plus mutins : « Qu’avez-vous, leur dit-il, et que demandez-vous ? – La bataille ! cria-t-on de toutes parts. Donne-nous l’oc-

  1. Ille verò timens ne, conliso utroque exercitu, etiam regnum eorum conrueret, pacem petiit civitatesque ejus, quas Theodobertus malè pervaserat, reddidit. Greg. Turon., lib. IV, pag. 229.
  2. Deprecans ut nullo casu culparentur earum habitatores, quo sille injustè igni ferroque opprimens adquisierat. Greg. Turon., lib. IV, pag. 229.