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soixante sols d’or prononcée contre celui qui résistait aux ordonnances royales, les habitans de Châteaudun, de Vendôme et des environs de Tours ne s’armèrent point, et ne quittèrent point leurs maisons[1]. Ces gens savaient que leur pays était compris dans le partage de Sighebert, et que les impôts levés chez eux se rendaient au fisc d’Austrasie ; mais c’était tout, et comme le roi dont ils dépendaient ne leur faisait sentir par aucun acte son autorité administrative, comme cet ordre était le premier qu’ils eussent jamais reçu de lui, ils y firent peu d’attention. Cette résistance passive devait, si elle se prolongeait, contraindre le roi d’Austrasie à diviser ses forces. Pour la faire cesser promptement et sans violence, il envoya sur les lieux ses deux plus habiles négociateurs, Godeghisel, maire du palais, et Gonthramn, surnommé Bose, c’est-à-dire le malin, homme d’intrigue et de savoir-faire, doué, malgré son origine tudesque, d’une souplesse d’esprit qui n’appartenait guère qu’à la race gallo-romaine. Les deux Austrasiens réussirent dans leur mission, et passèrent bientôt la Loire à la tête d’une armée indigène mal équipée, mais assez nombreuse pour ne pas craindre d’en venir aux mains avec les Franks de Theodebert[2].

Ceux-ci, déjà fort alarmés par la nouvelle de l’invasion austrasienne, le furent encore plus lorsqu’ils apprirent que des troupes s’avançaient contre eux, et que la retraite leur était coupée. Mais quel que fût le découragement de ses soldats, Theodebert, en véritable chef germain, résolut de marcher à l’ennemi[3]. Il sortit de Limoges et alla prendre position sur les bords de la Charente, à huit ou dix milles d’Angoulême ; durant ce trajet, beaucoup de ses gens désertèrent, de sorte qu’au moment de livrer bataille, il

  1. Mittens nuntios Dunensibus et Turonicis, ut contrà Theodobertum ire deberent. Quod illi dissimulantes… Gregorii Turon., lib. IV, pag. 229. — Lex Ripuariorum tit. 65, ap. script. Rerum francic., tom. IV, pag. 248. — Lex Wisigothorum, lib. IX, ibid., pag. 425.
  2. Rex Godegiselum et Gontchramnum duces in capite dirigit. Qui commoventes exercitum adversùs eum pergunt. Greg. Turon., lib. IV, pag. 229.
  3. At ille, derelictus à suis, cum paucis remansit : sed tamen ad bellum exire non dubitat. Greg. Turon., lib. IV, pag. 229.