Page:Revue des Deux Mondes - 1833 - tome 4.djvu/688

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
684
REVUE DES DEUX MONDES.

Comme un homme nourri de fiel et de dégoût,
Mais ferme et qui s’obstine à vivre jusqu’au bout ;
Et, seul, je visitai les Études, les Classes,
L’endroit où l’on jouait durant le temps des glaces,
Et ce n’étaient partout que sombres ateliers,
Que malades errant de paliers en paliers,
Les infirmiers de loin montraient leur face pâle,
Et la maison semblait en deuil et toute sale.

Après bien des détours, dans un grand corridor,
Dernier coin habité qu’il fallait voir encor,
J’arrivai : cette chambre autrefois fut la mienne ;
J’en reconnus la porte et la serrure ancienne ;
Mais au-dedans, hélas ! on n’avait rien laissé ;
Mon nom sur la muraille était même effacé ;
Mes plus chers souvenirs, mes cartes, mes estampes,
Ce gracieux portrait de Vierge aux belles tempes,
Et qui, me souriant avec sérénité,
M’enseignait combien douce et calme est la beauté,
Tout avait disparu ! dans ma chambre, ô mystère !
Sur son lit, devant moi, gisait un grabataire !
Le mal avait noué ses jambes et ses doigts,
Et desséché son corps tel qu’un morceau de bois ;
On l’eût dit sans oreille et sans langue ; sa bouche
Bavait hideusement sur le bord de sa couche ;
Dans la force du mal seulement ses deux yeux,
Ses yeux chargés de pleurs se tournaient vers les cieux,
Et cherchaient une image aux lambris étendue : —
On y voyait dans l’air une croix suspendue,
Et sur terre un martyr à sa claie attaché,
Qui regardait le Christ dans un ciel bleu penché ;
Or, le sang répandu par la divine plaie,
Comme un baume, arrosait le martyr sur sa claie,
Et le front de l’apôtre et le front du Sauveur
Tous deux resplendissaient d’amour et de ferveur.

Ô malheureux perclus ! Vieillard sans espérance !
C’était là ton recours dans ta dure souffrance !