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HOMMES D’ÉTAT DE LA FRANCE.

et que M. Sébastiani, l’agent principal, la clé de voûte de ce souterrain édifice, poussait la déférence jusqu’à remettre à son maître, toutes cachetées, les dépêches qu’il recevait comme ministre. Ainsi, en de certains jours, M. Sébastiani et tout le ministère ont peut-être eu à défendre, à la tribune, des actes dont ils n’avaient pas la moindre connaissance. C’est de la sorte qu’on entend, en France, le gouvernement représentatif, depuis la révolution de juillet.

L’affaire de la Pologne fut moins compliquée. Il y eut là moins de faits équivoques et d’ambages. Quand un nonce s’écria douloureusement, dans la diète de Varsovie, que la Pologne périssait sans avoir même vu un courrier de la France, toutes les explications devinrent inutiles, et l’on sut à quoi s’en tenir sur l’intérêt que lui portait M. Sébastiani. Pendant toute cette guerre, il fallut journellement à M. Sébastiani plus de courage pour aller à la tribune combattre les sanglans reproches qui lui furent adressés, qu’il n’en eût fallu pour prendre en main la cause de la Pologne, au risque d’encourir la colère de l’empereur Nicolas.

Il existe en France une classe d’orateurs que nous envie l’Angleterre, et qui ne se trouvait que dans le vieux sénat romain, où Scipion, Paul-Émile, Caton d’Utique, encore tout émus de leurs batailles, venaient discuter avec gravité les intérêts de l’état. Sur les bancs du parlement anglais, siègent aussi quelques honorables officiers qui ont figuré dans l’armée du Portugal, ou qui ont combattu les Mahrattes dans l’Inde ; mais où trouver dans les états modernes des tribuns comparables à Foy et à Lamarque, à Lamarque surtout, cet orateur de l’antiquité, ce héros classique, dont les paroles faisaient retentir à nos oreilles, ainsi que les belles pages d’Homère, comme au bruit d’armes et de chevaux ? À le voir et à l’entendre, on ne savait dire si les blessures qui le couvraient avaient été reçues à Waterloo ou aux Thermopyles ? Où trouver une assemblée comparable à celle où figuraient tous ces hardis soldats, qui, depuis quinze ans, montaient chaque jour à la tribune, pour gourmander avec un accent d’indignation le pouvoir qui s’était soumis aux traités de la Sainte-Alliance, et qui ne se lassaient pas d’appeler la France à reprendre ses vieilles armes et à aller planter son drapeau sur les bords du Rhin ? Vraiment, lorsqu’on relit les belles discussions militaires