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LEONE LEONI.

Comme il n’est décidément connu pour un filou que par très peu de personnes, sa maison fut de nouveau le rendez-vous de beaucoup d’hommes comme il faut, qui sans doute y furent dupés par ses associés. Mais peut-être la crainte qu’il avait d’être découvert l’empêcha-t-elle de se joindre à eux, car il fut bientôt ruiné de nouveau. Il se contenta sans doute de tolérer le brigandage que ces scélérats commettaient chez lui, car il est à leur merci et n’oserait se défaire de ceux qu’il déteste le plus. Maintenant il est, comme vous le savez, l’amant en titre de la princesse Zagarolo ; cette dame, qui a été fort belle, est désormais flétrie et condamnée à mourir prochainement d’une maladie de poitrine… On pense qu’elle léguera tous ses biens à Leoni qui feint pour elle un amour violent, et qu’elle aime elle-même avec passion. Il guette l’heure de son testament. Alors vous redeviendrez riche, Juliette. Il a dû vous le dire : encore un peu de patience, et vous remplacerez la princesse dans sa loge au spectacle, vous irez à la promenade dans ses voitures dont vous ferez seulement changer l’écusson, vous serrerez votre amant dans vos bras, sur le lit magnifique où elle sera morte, vous pourrez même porter ses robes et ses diamans. —

Le cruel Henryet en dit peut-être davantage, mais je n’entendis plus rien, je tombai à terre dans des convulsions terribles.

Quand je revins à moi, je me trouvai seule avec Leoni. J’étais couchée sur un sofa. Il me regardait avec tendresse et avec inquiétude.

— Mon ame, me dit-il lorsqu’il me vit reprendre l’usage de mes sens, dis-moi ce que tu as ? Pourquoi t’ai-je trouvée dans un état si effrayant ? Où souffres-tu ? Quelle nouvelle douleur as-tu éprouvée ?

— Aucune, lui répondis-je, et je disais vrai, car en ce moment je ne me souvenais plus de rien.

— Tu me trompes, Juliette, quelqu’un t’a fait de la peine. La servante qui était auprès de toi, quand je suis arrivé, m’a dit qu’un homme était venu te voir ce matin, qu’il était resté long-temps avec toi, et qu’en sortant il avait recommandé qu’on te portât des soins. Quel est cet homme, Juliette ? —

Je n’avais jamais menti de ma vie, il me fut impossible de répondre. Je ne voulais pas nommer Henryet. Leoni fronça le sour-