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LEONE LEONI.

Je revenais, lentement bercé par les eaux que colorait déjà en rose l’approche du soleil. Je passai tout auprès du bateau à vapeur qui voyage de Venise à Trieste. C’était l’heure de son départ, les roues battaient déjà l’eau écumante, et des étincelles rouges s’échappaient du tuyau, avec des spirales d’une noire fumée. Plusieurs barques apportaient les passagers. Une gondole effleura la nôtre et s’accrocha au bâtiment. Un homme et une femme sortirent de cette gondole et grimpèrent légèrement l’escalier du paquebot. À peine étaient-ils sur le tillac, que le bâtiment partit avec la rapidité de l’éclair. Le couple se pencha sur la rampe pour voir le sillage. Je reconnus Juliette et Leoni. Je crus faire un rêve, je passai ma main sur mes yeux, j’appelai Cristofano. — Est-ce bien là le baron Leone de Leoni qui part pour Trieste avec une dame ? lui demandai-je. — Oui, monseigneur, — répondit-il. Je prononçai un blasphème épouvantable ; puis, rappelant le gondolier : — Eh ! quel est donc, lui dis-je, l’homme que nous avons emmené hier soir au Lido ?

— Votre excellence le sait bien, répondit-il, c’est le marquis Lorenzo de —.

George Sand.