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que soit l’explication de cette absence remarquable, nous concevons très bien les lenteurs ou les scrupules de M. Léopold Robert ; après les Moissonneurs, il faut aller au-delà, mais ne pas redescendre.

M. Ingres, si long-temps attendu, a paru cette fois. M. Delaroche, que nous n’avions pas revu depuis son Cromwell, nous a donné sa Jane Gray. M. Eugène Delacroix nous montre enfin un fragment de son voyage en Afrique. Un accident malheureux nous a privés du paysage que M. Charles de Laberge destinait au salon de cette année ; mais dès l’année dernière, dans son second ouvrage, il avait précisé assez nettement sa manière pour marquer la place qui lui appartient dans les rangs de ses émules.

Il n’y a pas de début. Plusieurs talens élevés ont révélé une face nouvelle de leur puissance, mais nous n’avons à enregistrer le baptême glorieux d’aucun nom ignoré jusqu’ici ; nous avons à prononcer plusieurs déchéances, mais il n’y a pas lieu à proclamer de nouveaux rois.


Le tableau de M. Ingres paraît à plusieurs esprits sérieux le sujet d’inépuisables controverses ; mais personne, que je sache, n’entrevoit dans cette œuvre, si diversement jugée, l’avenir prochain de la peinture française. Quel que soit le succès, populaire ou non, du Martyre de Symphorien, l’événement n’importe guère qu’à la gloire personnelle du peintre, et ne promet pas d’engager les sympathies publiques. La controverse est-elle aussi obscure qu’on le prétend ? je ne le pense pas. La question soulevée par M. Ingres se pose aujourd’hui dans les mêmes termes que l’année dernière, et l’année dernière elle était la même qu’en 1827. Si le Martyre de Symphorien diffère en plusieurs points de l’Apothéose d’Homère, au moins faut-il reconnaître que la volonté générale qui a présidé à ces deux ouvrages ne s’est pas démentie à sept ans de distance. La diversité des deux sujets n’explique pas seule les variations apparentes de la manière de l’auteur. Ce qui s’est passé dans la peinture depuis sept ans a dû nécessairement éveiller dans la pensée de M. Ingres de nouvelles ambitions et une soif plus ardente de la popularité qui jusqu’ici lui a manqué. Sans renoncer au projet qu’il poursuit depuis vingt ans, à son projet de rénovation raphaé-