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REVUE. — CHRONIQUE.

de connivence avec la prêtrise. Le fait réel est qu’aujourd’hui, sous le mot aristocratie, je ne comprends pas seulement la noblesse de naissance, mais tous ceux, quelque nom qu’ils portent, qui vivent aux dépens du peuple. La belle formule que nous devons, ainsi que beaucoup d’excellentes choses, aux saints-simoniens, l’exploitation de l’homme par l’homme, nous conduit bien par-delà toutes les déclamations sur les priviléges de la naissance. Notre vieux cri de guerre, écrasez l’infâme ! a été également remplacé par une meilleure devise. Il ne s’agit plus de détruire violemment la vieille église, mais bien d’en édifier une nouvelle, et bien loin de vouloir anéantir la prêtrise, c’est nous-mêmes qui voulons aujourd’hui nous faire prêtres.

« Pour l’Allemagne, sans doute, la période des négations n’est pas encore finie ; elle ne fait même que commencer. En France, elle paraît au contraire toucher à sa fin ; au moins, il me semble qu’il faudrait plutôt ici se livrer à des tendances positives. Donc, tandis que je viens de faire imprimer en langue allemande une nouvelle édition des Reisebilder, sans y changer un seul mot, j’ai supprimé autant que possible dans cette édition française celles des velléités politiques qui, en France, ne sont pas à l’ordre du jour.

« Par une espèce de superstition littéraire, j’ai laissé à mon livre son titre allemand. Sous ce nom de Reisebilder, il a fait son chemin dans le monde (beaucoup plus que l’auteur lui-même), et j’ai désiré qu’il conservât ce nom heureux dans l’édition française. »

Un grand succès attend certainement le livre que décore une si curieuse préface.


Un Cœur de jeune fille[1]. — Ce livre n’est point un roman, au dire de M. Michel Masson. C’est uniquement et exactement une confidence que lui fit un jour Marie, jeune fille en son temps, étant accoudée près de lui sur le balcon gothique de la plus haute des tourelles du Vieux Saint-Jean des Vignes. En dépit de la prudence de cette excuse, M. Michel Masson, qui a déjà tant d’autres moitiés de livres sur la conscience, pourrait bien à la rigueur être mis en cause comme complice de celui-ci ; mais nous sommes bonnes gens. Ce sera à Marie toute seule que nous nous en prendrons de cette confidence de son cœur. Écoutons un peu ce cœur qui nous a écrit ses mémoires.

Comme beaucoup de petites filles, Marie, dès douze ans, a désiré passionnément d’en avoir seize. Ensuite, rien que pour jouer d’abord, lui est venu le petit mari, puis le petit amant. Mais un seul petit amant, ce n’était guère. Bientôt elle en a deux à la fois, n’aimant pourtant au fond ni l’un ni l’autre. Vous voyez si la jeune fille a la coquetterie précoce. La

  1. Chez Allardin, place Saint-André-des-Arts.