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NOUVELLES LETTRES SUR L’HISTOIRE DE FRANCE.

voyagea seul avec le fils du roi Sighebert, et le conduisit à Metz, au grand étonnement et à la grande joie des Austrasiens. Son arrivée inattendue changea la face du pays ; la défection cessa, et les Franks orientaux s’empressèrent de relever leur royauté nationale. Il y eut à Metz une grande assemblée des seigneurs et des guerriers de l’Austrasie ; Hildebert ii, à peine âgé de cinq ans, y fut proclamé roi, et un conseil choisi parmi les grands et les évêques prit le gouvernement en son nom[1].

À cette nouvelle qui lui enlevait toute espérance de réunir sans guerre à son royaume le royaume de son frère, Hilperik, furieux de voir échouer le projet qui lui était le plus cher, fit diligence pour arriver à Paris et s’assurer au moins de la personne et des trésors de Brunehilde[2]. La veuve du roi Sighebert se trouva bientôt en présence de son mortel ennemi, sans autre protection que sa beauté, ses larmes et sa coquetterie féminine. Elle avait à peine vingt-huit ans ; et quelles que fussent à son égard les intentions haineuses du mari de Fredegonde, peut-être la grâce de ses manières, cette grâce que les contemporains ont vantée, eût-elle fait sur lui une certaine impression, si d’autres charmes, ceux du riche trésor dont la renommée parlait aussi, ne l’avaient d’avance préoccupé. Mais l’un des fils du roi de Neustrie, qui accompagnaient leur père, Merowig, le plus âgé des deux, fut vivement touché à la vue de cette femme si attrayante et si malheureuse, et ses regards de pitié et d’admiration n’échappèrent pas à Brunehilde.

Soit que la sympathie du jeune homme fut pour la reine prisonnière une consolation, soit qu’avec le coup-d’œil d’une femme habile en intrigues elle y entrevît un moyen de salut, elle em-

  1. Gondobaldus dux adprehensum Childebertum filium ejus parvulum furtim abstulit : ereptumque ab imminenti morte, collectisque gentibus super quas pater ejus regnum tenuerat, regem instituit, vix lustro ætatis uno jàm peracto. Greg. Turon. Hist., lib. v, pag. 233. — Sed factione Gondoaldi ducis, Childebertus in perâ positus, per fenestram à puero acceptus est, et ipse puer singulus eum Mettis exhibuit. Fredegarii hist. Francor. epitom. ; apud Script, rerum francic., tom. ii, pag. 407.
  2. Chilpericus rex Parisius venit, adprehensamque Brunichildem… thesaurosque ejus quos Parisius detulerat, abstulit, Greg. Turon. Hist., lib. v, pag. 233.