Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 3.djvu/160

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
156
REVUE DES DEUX MONDES.

mais en revanche il avait recours aux diseurs de bonne aventure, afin d’éprouver par leur science la justesse de ses combinaisons. Laissant donc Merowig prier seul, il dépêcha l’un de ses serviteurs vers une femme très habile, à ce qu’il disait, qui lui avait prédit, entr’autres choses, l’année, le jour et l’heure où devait mourir le roi Haribert[1]. Interrogée au nom du duc Gonthramn, sur l’avenir qui lui était réservé à lui et au fils de Hilperik, la sorcière, qui probablement les connaissait bien tous deux, donna cette réponse adressée à Gonthramn lui-même : « Il arrivera que le roi Hilperik trépassera dans l’année, et que Merowig, à l’exclusion de ses frères, obtiendra la royauté ; toi, Gonthramn, tu seras pendant cinq ans duc de tout le royaume ; mais, à la sixième année, tu recevras, par la faveur du peuple, la dignité épiscopale dans une ville située sur la rive gauche de la Loire, et enfin tu sortiras de ce monde vieux et plein de jours[2]. »

Gonthramn-Bose, qui passait sa vie à faire des dupes, était dupe lui-même de la friponnerie des sorciers et des devineresses. Il ressentit une grande joie de cette prophétie extravagante, mais conforme sans aucun doute à ses rêves d’ambition et à ses désirs les plus intimes. Pensant que la ville indiquée si vaguement n’était autre que celle de Tours, et se voyant déjà en idée le successeur de Grégoire sur le trône pontifical, il eut soin de lui faire part, avec une satisfaction maligne, de sa bonne fortune à venir, car le titre d’évêque était fort envié des chefs barbares. Grégoire venait d’arriver à la basilique de Saint-Martin pour y célébrer l’office de la nuit, lorsque le duc austrasien lui fit son étrange confidence, en homme convaincu du savoir infaillible de la prophétesse. L’évêque

  1. Tunc direxit Guntchramnus puerum ad mulierem quamdam, sibi jam cognitam à tempore Chariberti regis, habentem spiritum Pythonis ut ei quæ erant eventura narraret. Greg. Turon. hist., lib. v, pag. 240.
  2. Quæ hæc ei per pueros mandata remisit : « Futurum est enim ut rex Chilpericus hoc anno deficiat, et Merovechus rex exclusis fratribus omne capiat regnum. Tu verò ducatum totius regni ejus annis quinque tenebis. Sexto verò anno in unà civitatum, quæ super Ligeris alveum sita est in dextrâ ejus parte, favente populo, episcopatùs gratiam adipisceris » Greg. Turon. hist., ibid. — Il faut entendre ici par les mots dextrâ parte la droite du fleuve en remontant son cours, Voy. Adriani Valesii notitiam Galliarum.