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NOUVELLES LETTRES SUR L’HISTOIRE DE FRANCE.

plicable. Il y eut des personnes qui mirent en doute la vérité de quelques-uns de ces faits, et crurent que Fredegonde, allant droit au but, avait fait poignarder son beau-fils et supposé un suicide pour ménager les scrupules paternels du roi. Au reste, les traitemens affreux que subirent les compagnons de Merowig semblèrent justifier ses pressentimens pour lui-même et ses terreurs anticipées. Gaïlen périt mutilé de la manière la plus barbare : on lui coupa les pieds, les mains, le nez, les oreilles ; Grind eut les membres brisés sur une roue qui fut élevée en l’air et où il expira. Gaukil, le plus âgé des trois, fut le moins malheureux ; on se contenta de lui trancher la tête[1].

Ainsi Merowig porta la peine de sa déplorable intimité avec le meurtrier de son frère, et Gonthramn-Bose devint pour la seconde fois l’instrument de cette destinée de mort qui pesait sur les fils de Hilperik. Il ne sentit pas sa conscience plus chargée qu’auparavant, et comme l’oiseau de proie qui revient au nid après avoir terminé sa chasse, il s’inquiéta de ses deux filles qu’il avait laissées à Poitiers. En effet, cette ville venait de retomber au pouvoir du roi de Neustrie ; le projet de conquête suspendu par la victoire de Mummolus avait été repris après un an d’interruption ; et Desiderius, à la tête d’une armée nombreuse, menaçait de nouveau toute l’Aquitaine. Ceux qui s’étaient le plus signalés par leur fidélité au roi Hildebert, ou contre lesquels le roi Hilperik avait quelques griefs particuliers, étaient arrêtés dans leurs maisons et dirigés sous escorte vers le palais de Braine. On avait vu passer ainsi, sur la route de Tours à Soissons, le Romain Ennedius, comte de Poitiers, coupable d’avoir voulu défendre la ville, et le Frank Dak, fils de Dagarik, qui avait essayé de tenir la campagne comme chef de partisans[2]. En de pareilles circonstances, un retour à Poitiers

  1. Exstaterunt tunc qui adsererent verba Merovechi, quæ superius diximus, à reginâ fuisse conficta ; Merovechum verò ejus fuisse jussu elim interemptum. Gailentum verò adprehensum, abscissis manibus et pedibus, auribus et narinum summitatibus, et aliis multis cruciatibus adfectum, infeliciter necaverunt. Grindionem quoque, intextum rotæ, in sublime sustulerunt. Gucibionem, qui quondam comes palatii Sigiberti regis fuerat, abscisso capite interfecerunt. Greg. Turon. Hist., lib. v, pag. 246
  2. Chilpericus quoque rex Pictavum pervasit, atque nepotis sui homines ab