Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 3.djvu/233

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
229
DERNIÈRE RÉVOLUTION DU PÉROU.

Celui-ci, maître de la mer, arma quelques bâtimens marchands et déclara en état de blocus tous les points de la côte où l’autorité de Bermudez et de Gamarra était reconnue : les hommes actifs et entreprenans s’échappèrent de la capitale pour se joindre au nouveau président, et bientôt il se vit en état d’envoyer sur la côte un détachement, afin d’y lever un corps de troupes et gêner de ce côté les communications de Lima avec l’intérieur.

Gamarra partit aussitôt à la tête de quatre cents hommes de ses meilleurs soldats, pour dissiper cet orage et faire sa jonction avec une compagnie d’infanterie exposée à être surprise par l’ennemi. L’opinion publique se prononça partout contre la révolte, des guérillas s’organisèrent sur toutes les routes dans le voisinage de la capitale, et les communications de Gamarra avec Bermudez se trouvèrent ainsi interceptées. Le 27 janvier, le bruit se répandit en ville que le premier, trahi par un de ses officiers, avait été livré au général commandant les forces constitutionnelles à Huacho. Bermudez était depuis plusieurs jours sans nouvelles de son complice. Le 28 au matin, une désertion considérable a lieu du camp des insurgés à la citadelle du Callao ; vers deux heures, le fort se pavoise et fait un salut ; ne sachant comment expliquer ces signes de réjouissance, Bermudez ne doute plus du malheur de Gamarra, et craignant sans doute de partager son sort, ou de se voir entièrement abandonné par ses troupes, il se résout brusquement à lever le siège, à évacuer la capitale et à se retirer dans l’intérieur.

Il se rend au camp pour donner ses ordres et faire les préparatifs de son départ : le chef d’état-major reste au palais avec une trentaine d’hommes à la garde des équipages. Vers cinq heures du soir, la foule, attirée par la curiosité, se pressait devant la porte : plusieurs mécontens manifestaient par des huées et des sifflets l’impopularité des troupes et de leurs chefs. Fatigué de ces cris importuns, l’officier de garde croit les étouffer par un coup de fusil ; il ordonne de faire feu sur le peuple, et un enfant tombe grièvement blessé. L’exaspération arrive à son comble, et chacun s’anime pour repousser une aussi brutale agression. Je me trouvais alors avec cinq compatriotes près de la fontaine de la place ; les soldats, montés sur le toit du palais, dirigeaient leur feu de tous côtés. Nous crûmes le moment venu de nous armer pour notre propre, sûreté ; je fus