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REVUE. — CHRONIQUE.

que celles du maréchal Soult, et que celui-ci ne soit qu’un instrument qui se laisse docilement manier d’en haut, tout en tombant si rudement sur ce qui se trouve au-dessous de lui, l’opposition ministérielle aura peu d’effet, et c’est aux chambres que sera réservé l’honneur de débarrasser le pays de ce dispendieux despote.

L’époque de la réunion des chambres approche. Cette session singulière, qui a fait naître de part et d’autre tant de discussions, ne sera pas aussi nulle et aussi factice qu’on l’avait cru d’abord. Le ministère, craignant que l’opposition ne se rende tout entière à son poste, et qu’elle n’annulle un grand nombre d’élections véritablement scandaleuses, a envoyé de tous côtés des agens dans les départemens, pour engager ses amis de la chambre à ne pas laisser le terrain libre à ses adversaires. Il paraît donc que la chambre sera en nombre au 31 juillet, et qu’elle ne se séparera pas immédiatement. Les événemens extérieurs peuvent d’ailleurs y amener des discussions importantes.

En attendant, on s’occupe de destituer ceux des préfets et des sous-préfets qui n’ont pas bien rempli leur devoir dans les élections, comme on dit au ministère, c’est-à-dire qui n’ont pas su lutter avec avantage contre les candidats de l’opposition. On dit que la nomination de M. de Cormenin surtout fera une sous-préfecture vacante. Ce travail doit paraître prochainement.

Pour compléter le système, la censure dramatique vient d’être rétablie, mais poltronne, honteuse, et n’avançant que timidement sa main déjà teinte de l’infâme encre rouge et armée des ignobles ciseaux. La circulaire ministérielle qui a annoncé cette bonne nouvelle aux directeurs de théâtres, est trop caractéristique pour ne pas la reproduire ; la voici :


Paris, le — juillet 1834.
« Monsieur,

« L’article 11 du décret du 8 juin 1806, encore en vigueur aujourd’hui, donne à l’administration le droit d’interdire les représentations théâtrales. Depuis quatre ans, elle s’est trouvée dans l’obligation d’appliquer cet article et de défendre la représentation de plusieurs pièces. Les manuscrits ne lui étant pas communiqués, elle n’a pu, le plus souvent, prendre ce parti que lorsque les directeurs avaient fait les frais de la mise en scène. Il en est résulté des dommages pour eux et des demandes en indemnités qui n’ont pu être admises. Les plaintes des directeurs ont fait sentir le besoin de régulariser cet état de choses. C’est pour arriver à ce but que je vous ai averti verbalement, et que, sur votre demande, je vous avertis par écrit de ce qui a été arrêté par M. le ministre de l’intérieur, pour l’exécution du décret du 8 juin 1806.