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idées se développent ; il se fait une transformation lente qui amène au jour un progrès long-temps caché, comme un grain déposé dans la terre pointe et finit par s’élancer sous la forme d’une tige svelte et délicate.

Les sociétés humaines ont donc le droit de se développer et de changer leurs formes extérieures, c’est-à-dire leurs gouvernemens. Il serait aussi impie d’interdire les développemens progressifs aux sociétés, que l’éducation à l’individu.

Puisque les sociétés sont douées de la force d’agir et de se développer dans toutes les grandes directions de la nature humaine, elles en ont le droit. Ici la puissance contient le droit.

Mais le changement de forme doit être non pas arbitraire, mais nécessaire, c’est-à-dire être la manifestation indispensable d’un renouvellement complet du fond. Une société ne saurait avoir un gouvernement nouveau, que lorsqu’elle est renouvelée elle-même.

Nous pouvons maintenant apprécier cette philosophie politique qui donne aux gouvernemens des droits contre la société ; cette doctrine stipule des droits pour tous les pouvoirs de fait qu’elle rencontre, et des concessions pour les gouvernés ; suivant elle, on doit s’accepter, se tolérer, se supporter : c’est traduire en aphorismes politiques les accidens de la féodalité où le pouvoir était morcelé entre les grands et les petits seigneurs, où les communes avaient leurs privilèges, où les Chartres et les droits variaient de province à province, de ville à ville. Sortez donc de ces notions étroites, et de ces mauvaises habitudes de concevoir les rapports de la société et des gouvernemens : élevez-vous un peu à ce droit humain que Dieu tient immobile et éternel au haut des cieux, et que le peuple rend mobile et progressif par son travail sur la terre.

vii.

La théocratie s’est assise sur l’Égypte comme un sphinx mystérieux, et Dieu s’est emparé de cette terre avec une insatiable domination. Tout y est divin : les émanations célestes l’abreuvent de toutes parts, et la nature n’a pas un phénomène qui puisse se refuser à la divinité. Tout cela n’est qu’un voile de l’éternelle unité ;