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DES LÉGISLATIONS COMPARÉES.

Que Dieu soit donc présent dans les institutions sociales. On peut dire que Dieu, dans les sociétés, est tout ensemble ancien et nouveau, puisqu’une partie des hommes ne peut le distinguer et le sentir qu’à travers des symboles qui ont duré long-temps, tandis que d’autres, plus ardens et plus clairvoyans, le cherchent dans des voies nouvelles. Pourquoi des institutions vraiment religieuses ne satisferaient-elles pas un jour cette soif de l’avenir et de l’infini, ce mysticisme invincible et secret qui nous pousse vers l’inconnu ? De cette façon, disparaîtraient les luttes entre la religion et la philosophie, et les peuples pourraient comprendre que la révélation et l’idéalisme ne font qu’un. Au moins ne nous refusons pas de nous élever par la pensée à une époque future du monde, où l’humanité, devant à ses travaux une vision plus claire de la vérité, honorera dans un même panthéon les grandes époques de sa vie et de sa destinée, les hommes qui successivement lui auront révélé à elle-même ses idées et sa loi, où elle saluera le christianisme comme un point lumineux de sa religion, où resplendira la croix de Jésus-Christ, sainte et pure, au milieu des symboles qui lui auront succédé. Qui est plus religieux de celui qui limite Dieu ou de celui qui croit à son inépuisable immensité ?

Qu’on nous laisse remplir nos âmes du sentiment de l’infini pour y puiser la force de porter le poids de notre un ; et afin d’être positifs avec efficacité, ne nous abstenons pas trop de l’idéal. Siècle de l’infini, siècle de grandeur et de faiblesse, d’audace et d’indécision, curieux du passé, aspirant à l’avenir, pusillanime dans le présent, égoïste et dévoué, ambitieux de toutes les jouissances et de tous les droits, comment te supporter et te servir sans le culte de la science et des idées, sans la force de te marquer ta place dans la vie de l’humanité ? Seulement ainsi, nous garderons notre foi, car des illusions, nous n’en avons plus ; il faudrait des crédulités bien vigoureuses pour en conserver encore, des illusions, à la face de certaines choses et de certains hommes. Mais la foi ne meurt pas ; elle a d’inextinguibles ardeurs, et poursuit sans relâche la réforme sociale par la puissance et la médiation des idées.

Lerminier.