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DE L’ABSOLUTISME ET DE LA LIBERTÉ.

les petits délits, lesquels conduisent aux grands, et que les punitions de votre justice soient sévères et terribles. Les âmes féroces des scélérats ne s’effraient point des peines enfantines conseillées par une niaise philosophie. Dieu, qui est le père des miséricordes, a créé un enfer pour punir le péché, et la création de l’enfer sert merveilleusement à peupler le ciel. Épargnez le sang innocent en vous persuadant bien que le meilleur prince est celui qui a le bourreau pour premier ministre. Maintenez ce code en vigueur, et vous verrez que les chemins de votre royaume seront aussi sûrs que les casernes des soldats, que votre trésor ne devra plus entretenir dans les prisons un peuple de criminels, et que les scélérats ne songeront plus à renverser votre trône. »

Le Docteur. — Il me semble, ma bonne petite vieille, que vous êtes en ceci un peu sévère.

Polichinelle. — Au contraire, il me semble à moi qu’elle parle très bien, et que sur cela les lazzaroni en savent plus que les docteurs. Quand on usait de la corde et de la potence, on tremblait au nom de la justice, et on retenait ses mains, de peur de la prison : mais à présent les procès font rire, parce qu’on sait que tout finit par des bagatelles. Pour les grands crimes la grâce est presque sûre, et pour les délits moindres un peu de prison, un peu de travaux forcés, voilà tout. Personne ne craint ces peines, parce que, nous autres pauvres gens, nous sommes mieux en prison que chez nous, et qu’un condamné aux travaux gagne le double d’un ouvrier et fatigue moitié moins.

L’Expérience. — Mes enfans, croyez aux paroles de l’Expérience, et assurez-vous que le monde est devenu plus mauvais, depuis qu’on ne punit plus sévèrement les méchans. Si les rois refusent de le croire, qu’ils compulsent les registres de leurs greffes criminels : en comparant ceux des temps appelés barbares avec ceux des temps présens, ils pourront apprendre lequel vaut le mieux, pour la morale publique, de l’humanité philosophique, ou de la potence et de la corde. Continuez de lire cependant.

Le Docteur. — « Un bon père doit éloigner de ses enfans les compagnons pervers, afin que ceux-ci ne les gâtent point par leurs mauvais discours ; et aussi le prince sage doit empêcher qu’on ne corrompe ses sujets fidèles, et que ceux qui déjà sont corrompus