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LES ÂMES DU PURGATOIRE.

enfin avez-vous jamais entendu dire à votre père qu’il connût le seigneur Navarro ?

— Oui, sans doute ; et il était avec lui à la guerre contre les Morisques.

— Fort bien ; mais avez-vous entendu dire de ce gentilhomme qu’il eût… un fils ?

— En vérité, je n’ai jamais fait beaucoup d’attention à ce que mon père pouvait en dire… Mais à quoi bon ces questions ? Don Garcia n’est-il pas le fils du seigneur Navarro ?… Serait-il bâtard ?

— J’atteste le ciel que je n’ai rien dit de semblable, s’écria l’étudiant effrayé, en regardant derrière le pilier contre lequel s’appuyait don Juan ; je voulais vous demander seulement si vous n’aviez pas connaissance d’une histoire étrange que bien des gens racontent sur ce don Garcia ?

— Je n’en sais pas un mot.

— On dit…, remarquez bien que je ne fais que répéter ce que j’ai entendu dire…, on dit que don Diego Navarro avait un fils qui, à l’âge de six ou sept ans, tomba malade d’une maladie grave et si étrange, que les médecins ne savaient quel remède y apporter. Sur quoi le père, qui n’avait pas d’autre enfant, envoya de nombreuses offrandes à plusieurs chapelles, fit toucher des reliques au malade, le tout en vain. Désespéré, il dit un jour, m’a-t-on assuré…, il dit un jour, en regardant une image de saint Michel : Puisque tu ne peux pas sauver mon fils, je veux voir si celui qui est là sous tes pieds n’aura pas plus de pouvoir.

— C’était un blasphème abominable ! s’écria don Juan, scandalisé au dernier point.

— Peu après l’enfant guérit…, et cet enfant…, c’était don Garcia !

— Si bien que don Garcia a le diable au corps depuis ce temps-là, dit en éclatant de rire don Garcia, qui se montra au même instant, et qui paraissait avoir écouté cette conversation caché derrière un pilier voisin. En vérité, Périco, dit-il d’un ton froid et méprisant à l’étudiant stupéfait, si vous n’étiez pas un poltron, je vous ferais repentir de l’audace que vous avez eue de parler de moi. — Seigneur don Juan, poursuivit-il en s’adressant à Marana, quand vous nous connaîtrez mieux, vous ne perdrez pas votre temps à