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STATISTIQUE PARLEMENTAIRE.

des ministériels de M. Thiers, d’autres de M. Guizot, des ministériels de M. Persil, marchant les uns et les autres sans unité de vues, votant comme le ministre auquel ils sont dévoués, secondant les petites révolutions d’intérieur, espèce de vassaux convoqués par un seigneur spécial, siégeant à portefeuille sur le banc de la couronne. Et dans ce pêle-mêle, je dois me hâter de dire que M. Thiers exerce la plus haute influence : ce n’est pas seulement parce qu’il a la direction des fonds secrets, et que ces fonds ont toujours eu une action puissante sur les votes et la conscience des centres, mais encore parce que M. Thiers est la figuration la plus parfaite des opinions et de la vie publique des hommes qui votent avec lui. J’ai déjà dit que dans un type venaient se réfléchir tous les esprits et toutes les consciences qui s’y formulaient, d’où la conclusion naturelle qu’à l’aide de cette majorité, M. Thiers doit reconstituer le ministère, pour en prendre la présidence nominative ou de fait ; le premier rôle lui appartient. Quant aux nuances que j’ai signalées comme inféodées à tel ou tel ministre, dans un vote général ou décisif, elles suivent une commune impulsion ; il n’y a que dans les circonstances intimes, dans les petites intrigues d’intérieur que chaque nuance se prononce pour ses affections particulières et sert avec dévouement une coterie ministérielle contre une autre.

Indépendamment de ces nuances morales et qui ne sont perceptibles que pour les initiés dans le système parlementaire, il est d’autres catégories plus saisissables. Je les ai déjà signalées dans leurs formes générales, je dois pénétrer plus avant dans l’esprit et dans les mobiles divers qui les font agir.

Il faut placer en tête la coterie des marche-en-avant, de ces hommes sans intelligence, vieux militaires de l’empire, déroutés dans leurs habitudes absolues par le système représentatif. Dans toute administration impopulaire se produit toujours cette coterie de fiers à bras qui, méprisant le siècle dans lequel elle vit, les lumières acquises, les libertés arrachées au pouvoir à la sueur du front, ne rêve qu’une domination de force. Sous la restauration, la congrégation et les jésuites avaient cette ambition belliqueuse ; il y a plus d’une ressemblance entre les sabres émoussés des vieux généraux de l’empire et l’épée rouillée des champions foudroyans de l’émigration, ou même l’encensoir et les excommunications des jésuites. Ce n’est point ici un jeu d’esprit, un sophisme de mots. Les jésuites et les émigrés se trompaient sur leur temps ; ils rêvaient une vieille époque, une influence décrépite : que font de plus ou moins les généraux ministériels qui occupent maintenant la tribune avec un geste si menaçant ? Ne se trompent-ils pas également d’époque ? N’ont-ils pas pour les souvenirs