Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 3.djvu/497

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
493
REVUE. — CHRONIQUE.

la condescendance du cabinet français ; non seulement elle a agi avec la Pologne ainsi qu’elle l’a voulu et sans consulter personne, mais elle vient en ce moment de réclamer auprès de la France d’anciennes indemnités pour le royaume de Pologne, en même temps qu’elle a conseillé à la Porte une ambassade pour réclamer Alger, non pas qu’elle croie jamais qu’il soit fait droit à ses réclamations ; mais elle pense par ce moyen écarter tous les griefs personnels que la France pourrait invoquer contre elle pour sa conduite ambitieuse dans le Levant. C’est une manière de détourner l’attention des questions principales qui l’occupent en ce moment.

— La courte session de la chambre des pairs a été plus insignifiante encore que celle de la chambre des députés ; aucun intérêt dramatique, point d’observations, si ce n’est le discours de M. de Dreux-Brézé qui a fait une grande sensation, parce qu’il était dans le vrai, et que le vrai, dans la bouche de quelque parti que ce soit, trouve toujours un grand écho.

Il faut savoir l’historique du fameux discours de M. Guizot où il a désavoué la révolution de juillet ; M. Guizot sait bien que les principes de cette révolution sont antipathiques à la grande majorité de la pairie ; dès-lors il se trouve à l’aise dans cette chambre, et ainsi qu’il arrive quand il y a sympathie dans une assemblée pour un orateur, celui-ci se laisse toujours aller à des mots ou à des déclarations imprudentes ; M. Guizot a trop suivi ce torrent, et en entrant au château, il a été vivement blâmé, non pas pour avoir exprimé des principes qui sont dans la tête et le cœur de la chambre des pairs, mais pour les avoir dits dans un lieu qui avait son retentissement au dehors par la publicité donnée aux délibérations de cette chambre ; de-là le désaveu qui a paru dans le Journal des Débats, désaveu qui ne veut pas dire qu’on se repent des paroles qu’on a prononcées, mais qu’on regrette qu’elles aient reçu une publicité qui compromettait le ministère avec le tiers-parti de la chambre des députés !

L’instruction du procès sur les événemens du 14 avril offre à peine des charges suffisantes pour un procès de presse ; il est impossible d’en faire résulter un complot quelque peine que l’on prenne, quelque soin qu’on se donne ; dès-lors s’élèvera une première et fondamentale question, celle de la compétence ; un délit de la presse n’est pas de la juridiction de la chambre des pairs ; il appartient à la cour d’assises. La cour des pairs cherchera à donner de l’importance à la réapparition de la Tribune. Mais cela ne change pas la nature du délit ; là où il n’y a pas complot contre la sûreté de l’état ; il ne peut y avoir de juridiction extraordinaire.


Suites à Buffon[1]. — À une époque où l’intensité de la vie politique est telle que tout intérêt scientifique et littéraire paraît en être absorbé, il est consolant de voir surgir des entreprises de la nature de celle-ci. Elles indiquent qu’au milieu de ce mouvement gigantesque qui emporte les hommes et les choses, la science reste toujours grande et vivace. N’est-ce pas même une des conditions de notre temps, que cette existence simultanée de deux forces capables l’une et l’autre de soulever le monde sans pouvoir s’entre-détruire ? et par science j’entends non-seulement

  1. Chez Roret, rue Hautefeuille, 10 bis.